Invité hier par la Confédération/personname / des cadres de la finance, l'ancien Chef du gouvernement estime que l'économie de notre pays reste “administrée” en raison “des intérêts inavoués” qui bloquent les réformes et les changements. L'ancien Chef du gouvernement Mouloud Hamrouche, invité, hier, par la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité, s'est montré virulent quant à la politique économique suivie par le pays. Présentant une conférence sur la privatisation dans le contexte actuel de la mondialisation, M. Hamrouche n'a pas mâché ses mots pour dresser un tableau des plus sombres de la situation économique du pays et des réformes engagées. Tout en mettant en exergue les méfaits de la mondialisation que commence à subir l'Algérie, à l'instar de beaucoup de pays, l'ancien Chef du gouvernement réformateur estime, cependant, que le pays “n'a pas su en tirer avantage en refusant de saisir les transformations économiques et stratégiques du monde”. “L'Algérie a choisi de rester dans l'univers de l'économie fermée et administrée. Beaucoup d'intérêts inavoués se sont ligués contre toute réforme et tout changement. En bloquant les réformes sans opter pour une alternative, elle a gâché ses chances, perdu tous ses acquis sociaux et dilapidé les fruits de son effort de trois décennies sans avoir pour autant mis le pied dans l'économie de marché ni dans la globalisation”, considère M. Hamrouche. Le constat sévère que dresse l'orateur ne s'arrête pas là puisqu'il ajoute que “le système financier et commercial fonctionne en un sens unique en pompant l'épargne nationale et les recettes pétrolières ; l'apport des capitaux frais demeure inexistant, la transformation d'une partie de la dette reste sans suite et l'investissement direct étranger demeure au niveau des intentions”. Pour Mouloud Hamrouche, tout cela fait de l'Algérie “un pays hors réforme et hors globalisation”. Dans ce contexte, “l'économie nationale ne peut donc, selon lui, prétendre à la compétition industrielle, financière et commerciale et ne peut profiter des dispositions d'accès au marché puisqu'elle n'a pas de produits à exporter”. Interrogé sur le plan de soutien à la relance économique engagé par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et les 55 milliards de dollars qui ont été débloqués à cet effet, l'ancien Chef du gouvernement a affirmé que “le plus important n'est pas dans l'importance de l'enveloppe financière, car, précise-t-il, des sommes aussi grosses avaient été mises par le passé dans des plans de relance économique sans qu'il y ait de résultats probants”. Et comme l'exposé qu'il a présenté hier portait principalement sur la privatisation, M. Hamrouche s'est longuement étalé sur le sujet, critiquant au passage la démarche entreprise jusque-là dans ce domaine par les gouvernements successifs. Considérant la privatisation en Algérie comme “une problématique de système et non d'économie”, M. Hamrouche relève que cette opération “connaît une situation de flottement” en raison de “blocages et d'errements qui tiennent à de majeurs défauts d'ordre politique, économique et juridico-technique”. À ce propos, il cite, notamment les problèmes de l'absence de consensus clair et ferme, de contrôle bureaucratique total de la sphère économique, de manque d'instruments socioéconomiques de régulation, d'insuffisance de contre-pouvoir économique et financier, de dysfonctionnement des systèmes financiers, d'extension de privilèges, d'abus et de passe-droits et des conditions discrétionnaires d'investissement. La principale conséquence d'une telle situation, selon Mouloud Hamrouche, est “le glissement de l'économie vers l'informel”. “Le gros des affaires se traite à la lisière du légal”, affirme-t-il, avant de s'interroger : “Comment peut-on, dans ces conditions, privatiser y compris par des voies autoritaires, alors que le champ économique est fermé, l'injonction administrative est de mise, l'arbitraire remplace la protection légale et l'abus fait office de régulation sociale ?” Pour lui, “les conditions qui ont vu naître les banques privées, leur dysfonctionnement et leur liquidation sont éloquentes”. À propos justement de certaines banques privées, notamment El Khalifa Bank, qui se sont embourbées dans des scandales financiers ayant dépassé les frontières du pays, M. Hamrouche a estimé que la cause principale de cette situation est le non-respect de la loi sur la monnaie et le crédit :“Ces banques ont été créées en dehors de cette loi, elles ont fonctionné également en dehors de ce texte, et même leur fermeture est intervenue en dehors du texte.” Lors des débats qui ont suivi la conférence, Mouloud Hamrouche a intelligemment esquivé les questions d'ordre politique posées par les journalistes et les invités. Cela a été le cas par exemple pour une question qui a porté sur “le cabinet noir des généraux”. L'orateur a préféré répondre par des “exemples imagés” en usant de paraboles de Don Quichotte de Cervantès ou de Sisyphe de Camus. H. S.