Invités du Centre culturel algérien de Paris, les deux auteurs sont revenus dans leurs interventions sur les exactions de Maurice Papon, les massacres du 17 octobre 1961 et les assassinats perpétrés par les organisations fascistes. Le Centre culturel algérien de Paris (CCA), a accueilli dernièrement deux conférenciers, Ahmed Zeggagh, auteur de Prisonniers politiques du FLN en France, 1954-1962 (éditions Chihab, 2015) et Mohamed Ghafir, dit "Moh Clichy", qui a écrit Droit d'évocation et de souvenance (éditions Encyclopédia, réédition 2017). Le témoignage des deux auteurs sur la "septième Wilaya" nous apprend que Maurice Papon est lié à d'autres exactions que celles du 17 octobre 1961. Selon Moh Clichy, il avait ramené, dès 1959, près de 500 harkis d'Algérie pour combattre la Fédération de France. De multiples disparitions ont été enregistrées et des militants étaient pendus ou brûlés vifs au bois de Boulogne avant d'être jetés dans la Seine. À propos du 17 octobre, Mohamed Ghafir affirme que le FLN avait décidé d'organiser une marche pacifique dans Paris le 17 octobre 1961, avec instructions aux commerçants algériens de fermer le 18 et aux femmes de tenir des sit-in le 19 devant les prisons pour exiger la libération des manifestants qui allaient être arrêtés. Quoique violemment réprimée, la manifestation fut un grand succès politique qui a conduit de Gaulle à accélérer les négociations secrètes avec le FLN. Mohand Zeggagh, dit Rachid, surnommé "Bambino" en raison de son jeune âge (16 ans à son engagement en 1955), rappelle que le référendum de janvier 1961 qui avait approuvé le principe de l'autodétermination des Algériens avait précipité les évènements. Juste après, les partisans de "l'Algérie française" créent l'OAS à Madrid en février 1961. Le 22 avril, des généraux français organisent un putsch à Alger contre de Gaulle qui reprend la main quelques jours plus tard. Dès le mois de juin, l'OAS passe à l'action armée pour saboter les négociations en cours entre le FLN et les autorités françaises. Durant l'été 1961, les négociations étaient interrompues à cause de la question du Sahara. Des politiciens français planifiaient la partition de l'Algérie, alors que d'autres encourageaient le processus de l'indépendance. Pour l'histoire, Zeggagh et Ghafir soulignent le rôle d'Edmond Michelet, ministre de la Justice qui soutenait l'idée d'indépendance et répondait aux doléances des détenus et des grévistes de la faim algériens en France, comme d'ailleurs Simone Veil, alors directrice des affaires pénitentiaires. Il est vrai que tous deux avaient connu les camps de concentration nazis. Ses idées vaudront à Edmond Michelet son départ du gouvernement. Mohand Zeggagh, auteur également du livre Vérité sur les crimes de l'OAS en Algérie (ANEP-2017), rappelle les assassinats et massacres commis par cette organisation fasciste. Après la signature des accords d'Evian, l'OAS s'est lancé dans la méthode de la terre brûlée pour semer le chaos, avec pour objectif de saboter et de rendre caducs ces accords en empêchant leur application. Après la défaite de l'OAS, la plupart de ses responsables -dont 11 généraux et 12 colonels- seront graciés après seulement quelques années de prison. "Ils n'ont pas payé lourdement pour leurs crimes" observe le conférencier. Les deux orateurs rendent hommage aux Français qui parlent objectivement de la guerre d'Algérie, des tortures et des souffrances des Algériens. "Ceux-là, comme nous, sont peu médiatisés, contrairement à ceux qui cultivent encore la rancune, la haine et les contre-vérités". Qu'attendre de ces derniers dont les alter ego des années de guerre interdisaient aux détenus politiques algériens dans les prisons françaises de lire Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau et Emile Zola? En tout temps, ceux qui ont peur de la vérité se méfient de l'intelligence. A. B.