Sihem Bensdrine est journaliste. Elle est membre du Comité national des libertés en Tunisie et de l'Association tunisienne des femmes démocrates. Inquiétée par la justice et censurée pour avoir publié en 2001 un rapport accablant sur le régime politique de son pays, dont la pratique de la torture, elle édite actuellement un journal on line Kalima. Liberté : Quatre ans après, le pouvoir tunisien vous en veut-il toujours d'avoir rendu public un rapport très compromettant sur ses pratiques ? Sihem Bensdrine : Oui, bien sûr qu'il m'en veut et me le fait payer encore. Actuellement, je me contente d'éditer le journal on line, Kalima. Sinon, il m'est toujours impossible d'exercer mon métier de journaliste dans la presse écrite. Nos seuls moyens de subsistance, mon mari et moi, se limitent à une bourse que j'ai obtenue de la part d'une fondation allemande. Depuis quelques mois, je vis entre la Tunisie et l'Allemagne. Me retrouver ailleurs m'offre une bouffée d'oxygène. Ici, nous sommes constamment surveillés. Le téléphone est sur écoute et nous sommes pistés par la police. Un avocat est aujourd'hui en prison. L'ensemble de la corporation fait l'objet d'intimidations et de pressions. Le pouvoir semble avoir franchi un nouveau cap avec pour objectif de fermer tous les espaces d'expression libre. Cela vous inquiète-t-il davantage ? Il y a une offensive tous azimuts contre les défenseurs des droits de l'Homme et des libertés. Avant, les journalistes et les militants des associations et des partis uniquement étaient inquiétés. En prison, ils pouvaient au moins compter sur la présence et le soutien des avocats. Or, à leur tour, ces derniers sont attaqués et ne peuvent pas exercer leur métier. Ils ont été battus et violentés dans l'enceinte même du tribunal alors qu'ils étaient là pour dénoncer la détention d'un confrère jeté en prison pour avoir justement critiqué les conditions d'incarcération. S. L.