Dans le cadre de l'organisation du sommet mondial de la société de l'information qui aura lieu en Tunisie au mois de novembre prochain, une mission internationale d'enquête constituée de trois ONG internationales de défense des droits de l'homme, à savoir la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), Droits et démocratie et l'Organisation mondiale contre la torture, a rendu public un rapport accablant sur la société de l'information en Tunisie. Cette mission, qui s'est déplacée à Tunis entre les 25 et 28 janvier 2005, était composée de Jean-Louis Roy, président de Droits et Démocratie, Deborah Hurley, ancienne directrice du Harvard Information Infrastructure Project de l'Université de Havard et Younès M'Jahed, journaliste et secrétaire général du syndicat national de presse marocaine. Ces trois organisations ont fait part de leurs « graves préoccupations quant à la capacité ou la volonté des autorités tunisiennes de respecter leurs engagements au regard du droit international ». Ce rapport a été rendu public à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse lors d'une conférence organisée le 6 mai dernier par la ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) et le Centre national pour les libertés en Tunisie (CNLT). Il a mis l'accent sur les agressions physiques, le harcèlement judiciaire dont font l'objet les défenseurs des droits de l'homme et leurs organisations, les nombreuses détentions arbitraires, la censure, le contrôle de l'internet, etc. Ce qui constituent, selon les rédacteurs du rapport, « autant d'obstacles à la réalisation d'une société de l'information en Tunisie respectueuse des droits de l'homme. Enfin des obstacles demeurent pour la pleine participation de la société civile tunisienne au sommet de novembre 2005, tant du point de vue de l'accréditation d'ONG non officiellement reconnues, que dans la capacité de cette société à s'exprimer librement ». Le rapport fait état de l'absence du paysage médiatique tunisien de toute expression du pluralisme politique ou des préoccupations quant à la situation des droits de l'homme en Tunisie. « Le visage et la voix des principaux représentants de la société civile autonome demeurent bannis des ondes et des plateaux », est-il relevé. Quant à la censure, le rapport souligne que les autorités recourent à tous les moyens afin d'empêcher la couverture de certains événements y compris l'intervention des forces de police et l'humiliation. Quant à la situation des journalistes, il est constaté des violations au libre exercice de la profession, plusieurs entreprises ont eu recours au licenciement comme mesure résultant souvent de pressions ou d'incitations du pouvoir pour sanctionner les journalistes. Le harcèlement physique ou actes d‘agression commis sur des journalistes par des agents de police sont des pratiques courantes. Plusieurs procès, signale le rapport, ont été intentés et des condamnations judiciaires sont intervenues, sanctionnant des journaux et des journalistes dont le seul tort est d'avoir exprimé une opinion ou écrit un article critique. Concernant l'internet, les rédacteurs du rapport signalent le blocage des sites internet et le contrôle des contenus et la circulation de l'information à travers le contrôle des lignes téléphoniques. « Les pouvoirs publics se sont donné la possibilité technique de bloquer l'accès à certains sites hébergés à l'étranger et le font systématiquement pour les sites du CNLT, de la LTDH, de RAID-Attac Tunisie ainsi que ceux de partis politiques », est-il indiqué en précisant que « le courrier électronique des militants politiques ou des droits humains peut être détourné, les boîtes électroniques peuvent être fermées par un piratage du mot de passe ». Pour les rédacteurs du rapport, la surveillance et la censure ainsi exercées sur les activités des internautes influencent négativement sur la confiance des utilisateurs, mais également sur l'économie des services de l'information. Le rapport a aussi mis l'accent sur les entraves à l'indépendance judiciaire, les prisonniers d'opinion, à l'Etat de droit et la bonne gouvernance.En conclusion, les membres de la mission ont le regret de constater que les libertés d'expression et d'association sont niées de manière systématique à un grand nombre de citoyens.