La prise en charge de l'autisme est une mission "multisectorielle, multidisciplinaire et nécessite des moyens colossaux", a affirmé le sous-directeur de la promotion de la santé mentale au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le Pr Mohamed Chakali, évoquant notamment le déficit important en pédopsychiatres. "La prise en charge de l'autisme se fait dans un cadre multidisciplinaire, multisectoriel et nécessitant des moyens colossaux qu'il faut disséminer à travers l'ensemble du territoire national. Nous sommes conscients que les défis sont très importants eu égard à l'augmentation exponentielle du nombre des malades", a indiqué à l'APS le Pr Chakali. S'exprimant la veille de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, ce responsable souligne que le problème essentiel réside dans le "déficit important" en personnel qualifié, à savoir en pédopsychiatres, les mieux indiqués pour établir un diagnostic "précis" de la maladie, souligne-t-il. "Ces derniers doivent, en outre, intervenir dans le cadre d'une équipe composée d'un psychologue formé à l'autisme, d'un psychomotricien, d'un orthophoniste, d'un éducateur et d'un paramédical", ajoute-t-il. "Les équipes de santé doivent détecter l'autisme à la naissance car plus le diagnostic est précoce plus les résultats sont meilleurs et c'est d'autant plus le cas pour l'autisme car il s'agit d'êtres en développement où la chronologie doit être respectée", explique le Pr Chakali, notant qu'en l'absence de spécialistes suffisants, cela "n'est pas évident". D'où, poursuit-il, le "défi du dépistage à temps", puis du diagnostic et, enfin, de la prise en charge, sachant que "celle-ci se fait dans la durée et dans la proximité". Détaillant les efforts consentis ces dernières années par la tutelle pour mieux prendre en charge cette pathologie, le Pr Chakali a rappelé l'installation, en juillet 2016, du Comité national intersectoriel dédié à l'autisme, scindé en 3 commissions de prise en charge, de formation et d'enquête épidémiologique et se réunissant tous les 2 mois. Activant, toutes, depuis leur lancement, la dernière compte à son actif une enquête épidémiologique sur l'autisme, lancée récemment dans 6 services de psychiatrie les plus rompus au suivi de la maladie et dont les résultats seront publics dans quelques semaines, a-t-il fait savoir. Il a, en outre, fait part de la prochaine sortie de la première promotion formée en Algérie en pédopsychiatrie, en tant que discipline à part entière, précisant que, jusque-là, les autistes sont suivis par des psychiatres qui "se sont occupés toute leur vie des enfants". Il a rappelé, à ce propos, l'existence de services de psychiatrie infantile et juvénile dans les hôpitaux, le plus ancien étant le CHU Frantz-Fanon de Blida, et de l'ouverture récente de 6 nouveaux services au centre à l'est et à l'ouest du pays, qui compte ainsi 19 services de pédopsychiatrie, soit dans la quasi-totalité des hôpitaux du pays. À la question de connaître le nombre de personnes atteintes d'autisme en Algérie, le Pr Chakali a affirmé la difficulté d'avoir "une estimation juste" de la maladie et que "seuls des recoupements ont permis jusque-là d'avancer une moyenne d'un cas sur 150 naissances pouvant figurer dans le thème de l'autisme". "Seuls les pays les plus organisés disposent de statistiques. L'Algérie dispose de canevas de santé mentale mais dans lesquels le diagnostic de l'autisme n'est pas porté", a-t-il détaillé, faisant savoir que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a été sollicitée, entre autres, pour cet aspect. Tout en avançant que les résultats de l'enquête épidémiologique en cours permettra d'"avoir une idée" sur l'incidence de la maladie, le Pr Chakali a noté que "les statistiques sont liées au diagnostic" et que l'on "ne parle plus d'autisme mais de spectre d'autisme", celui-ci se manifestant à "différents niveaux". "Grâce à l'informatisation, nous essayons, dans le cadre du comité ad hoc, de mettre en place un canevas qui contienne au moins une dizaine de types d'autisme selon la classification internationale", a-t-il fait savoir. Il a, par ailleurs, tenu à relever le "rôle actif et essentiel" du mouvement associatif dans la sensibilisation autour de cette affection, en même temps qu'à en faire connaître l'incidence, même approximative, à l'échelle nationale. Interpellé sur l'intégration scolaire et professionnelle de cette catégorie de malades, le Pr Chakali, déplore "l'absence juridique de l'accompagnement et de la formation professionnels" au profit de ces derniers, plaidant pour que les textes existants "évoluent". Ce qui, assure-t-il, est "en train de se faire en concertation avec le ministère de la Formation professionnelle". Par ailleurs, face au poids de la demande, le représentant du ministère de la Santé "encourage" l'implication du privé dans la prise en charge des autistes, dans la mesure où cela "allégera" le secteur public, tout en mettant en garde, cependant, contre les "dérives" qui peuvent entourer cette activité, et ce, en raison du "vide institutionnel" en la matière. "Nous nous penchons précisément sur le cadre réglementaire devant régir cette question, car si un pédiatre doit s'occuper d'enfants autistes, il doit être formé pour cela", relève le Pr Chakali, évoquant les crèches et autres écoles "auto-proclamées" spécialisées en autisme, de même que "les pratiques douteuses et proches du charlatanisme qui abusent de la détresse des parents des malades".