Dans plusieurs, voire dans toutes les wilayas du pays, les autorités locales sont incapables de donner le nombre exact d'enfants autistes. Cet état de fait, à lui seul, est significatif quant au défaut de prise en charge de cette catégorie de malades. Un peu partout dans le pays, ce sont donc des associations qui tentent, souvent avec très peu de moyens, d'endosser cette mission dévolue, en principe, aux services de l'Etat. À Aïn Témouchent, le directeur de l'action sociale estime à environ 200 ou 250 le nombre d'enfants atteints de cette maladie à l'échelle de la wilaya, ajoutant que, dans bien des cas, les familles refusent de reconnaître ou ignorent que leurs enfants souffrent d'autisme, d'où la difficulté de cerner le nombre avec précision. Saïd Heddi, président de l'Association de réadaptation et de protection des enfants autistes, lui, donne un chiffre beaucoup plus important qui pourrait dépasser les 400 cas et qu'il aurait obtenu grâce à un travail de proximité. Il avance une autre raison. Son association compte 170 cas inscrits, mais certains présentent un faux diagnostic. ‘‘Ce sont des cas suspects qui nécessitent un examen exhaustif pour être qualifiés en tant que tels'', a précisé M. Heddi. Sauf que faute d'espace, mais aussi en raison d'une équipe pédagogique réduite, son association ne peut accueillir que 38 enfants âgés de moins de 9 ans sur les 170 inscrits qui sont suivis en régime interne et en demi-pension. L'association compte au total 4 psychologues et 12 éducatrices formés à la faveur d'un investissement propre à l'association, les centres d'Etat ne possédant pas de spécialistes dans ce domaine. ‘‘C'est une initiative que nous avons prise et l'opération est financée par nos propres cotisations'', a-t-il souligné. Les 38 enfants sont suivis dans 6 classes spéciales pour les préparer à une scolarisation classique pour la prochaine rentrée scolaire, a-t-il précisé. Cependant, il regrette que cette catégorie de malades ne bénéficie pas d'un accompagnement assuré par des assistants au niveau des classes classiques, une lacune que ladite association se propose de combler autant que faire se peut. Notons que 15 enfants autistes sont suivis à domicile dans la wilaya d'Aïn Témouchent. ‘‘Nous comptons sur la formation de leurs parents pour achever le travail des spécialistes de l'association'', a indiqué M. Heddi. Tout récemment, l'association a bénéficié d'un terrain d'une superficie de 2 067 m2 destiné à la réalisation d'un centre pour une prise en charge des enfants autistes à la hauteur des espérances de leurs parents, et ce, faut-il le reconnaître, grâce à l'intervention des autorités de la wilaya. L'association est encouragée par les bonnes intentions devant participer à cet ambitieux projet dont le coût s'élève à 16 milliards. À Sidi Abdelli dans la wilaya de Tlemcen, le centre est fermé depuis trois ans faute de personnel qualifié. Ce n'est pas le cas d'Aïn Témouchent qui a mis la charrue avant les bœufs. Béjaïa : le mouvement associatif à la rescousse Le même topo se retrouve à Béjaïa. En dépit de l'absence de chiffres officiels, on apprend que plus de 200 enfants autistes sont actuellement pris en charge dans cette wilaya par le mouvement associatif engagé dans les actions caritatives. En effet, pas moins de cinq organisations : quatre à caractère local et une de wilaya, militent pour une prise en charge adaptée et spécifique des enfants autistes. Parmi ces cinq organisations, il y a l'association de wilaya spécialisée dans la prise en charge des enfants autistes (APCEA), qui demeure pionnière en la matière. Elle prend en charge une centaine d'enfants, âgés entre 3 et 7 ans. L'association emploie une quinzaine de personnes à titre permanent, parmi lesquelles figure le personnel psychopédagogique (orthophonistes, psychologues, éducatrices, psychomotriciens...). Selon des membres de l'APCEA, celle-ci doit sa survie financière aux seules subventions de l'APC et de l'APW de Béjaïa, ainsi qu'aux dons de certains bienfaiteurs locaux. Avant de déplorer que "pas moins de 90 personnes exerçant à travers les différents établissements scolaires de la wilaya ne sont pas payés depuis deux mois, faute de trésorerie". À noter que lors de notre entrevue avec les membres de l'APCEA, le président de l'APW de Béjaïa, Mehenni Haddadou, accompagné d'une vice-présidente de l'APC de la même ville, a fait irruption dans les locaux de l'association pour "une visite de courtoisie". Interpellé par les responsables de l'APCEA sur le manque de moyens financiers auquel leur association fait face quotidiennement, M. Haddadou s'est engagé à mettre la main à la poche pour aider de manière conséquente cette dynamique association. M. LARADJ/KAMEL OUHNIA