Le grand défi est de les faire accepter auprès de certains directeurs qui refusent d'accueillir ces enfants au sein de leur établissement scolaire et même auprès des enseignants. En dépit du chiffre effarant de 80 000 autistes, qui démontre l'ampleur de cette maladie qui devient un problème de santé publique, la riposte contre l'autisme tarde à se mettre en place au grand dam des parents qui, désemparés et souvent seuls, mènent un combat au quotidien pour la prise en charge de leurs enfants. Mme Benamara, née Benali Madiha, présidente de l'association "Espérance pour autistes" d'Akbou, et maman d'un enfant autiste de 5 ans, raconte son combat au quotidien. Elle éclate en sanglots rien qu'en évoquant le sujet. "Je le répète souvent, nous souffrons beaucoup en tant que parents", a-t-elle indiqué, tout de go, ajoutant qu'"avant même la scolarité, les parents d'enfants autistes mènent un combat au quotidien pour les faire accepter par la société". "Ce sont des enfants qui souffrent, et nous souffrons aussi. Déjà que, pour les accueillir dans les crèches, les parents doivent recourir à la ruse et mentir sur l'état de leurs enfants", a enchaîné notre interlocutrice. Et quand arrive l'âge de leur scolarité, le grand défi est de les faire accepter par certains directeurs qui refusent d'accueillir ces enfants au sein de leur établissement scolaire et même par des enseignants dont certains vont jusqu'à dire : "Ou c'est lui, ou c'est moi dans la classe", témoigne Mme Benamara. Or, c'est de l'avis même des spécialistes, la classe reste le meilleur endroit, non pas pour guérir de l'autisme, mais pour beaucoup s'améliorer, enchaîne-t-elle. Selon elle, le problème que rencontrent les parents d'autistes à la base, c'est le diagnostic tardif, souvent très mal posé et annoncé froidement. "Me concernant, on m'a dit que mon fils était autiste après une consultation qui a duré 5 minutes." Pis encore, "le médecin m'a annoncé que c'était très grave, et que si mon fils était autiste, c'était ma faute". Avant d'ajouter que "c'était à moi de le récupérer. C'est alors que j'ai déprimé pendant six mois à cause de ce diagnostic qui rejette tout sur la ‘maman frigidaire', alors qu'il n'y a pas plus câlin que moi. Et, c'est de là que mon combat a commencé, parce que j'appelle cela de l'obscurantisme. J'ai été marquée à jamais". Elle fera également état "de nombreux divorces pour cette raison, parce que, dans bien des cas, les parents se rejettent la responsabilité de ces enfants qui traînent un handicap lourd tel que l'autisme". Ainsi, pour combler le déficit en personnels qualifiés, et puisque l'état les invite à prendre leur mal en patience, les parents se mobilisent avec leurs propres moyens au quotidien. Mme Benamara parlera, dans ce cadre, de son expérience de création d'un petit centre appelé "Centre bayati", le 14 mars dernier, pour une meilleure prise en charge des enfants autistes. L'enfant y bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire, par des ergothérapeutes, des psychomotriciennes et des orthophonistes, en sus d'une équipe de psychologues et d'éducateurs. Des tests de programmes ont donné des résultats concluants (des enfants qui verbalisent ou qui marchent pour la première fois). Mais "nous aurions aimé que l'Etat fasse quelque chose dans ce sens pour nos enfants, notamment le règlement du problème des auxiliaires de la vie scolaire (Avs) que le petit budget reçu de l'Etat ne permet pas de payer". L'autre rôle des parents a consisté à plaider pour un plan autisme Algérie, à l'instar de certains pays d'outre-mer, car c'est ce plan qui va créer, en fait, les conditions de scolarisation des autistes. Elle en veut pour preuve le refus de certains directeurs d'école de recevoir les autistes. D'où une grande journée de sensibilisation qui sera organisée demain à la place Amirouche à Akbou, et à laquelle ont été conviés tous les directeurs d'école de la région ainsi que des enseignants. "Parce qu'il faut en finir avec cette attitude de certains enseignants qui refusent la présence de ces enfants dans leurs classes." La prise en charge précoce est nécessaire, préconise-t-elle par ailleurs, "parce que si on ne se préoccupe pas de ces enfants qu'on laisse dans la déprime, ni de leurs parents qu'on abandonne à leur désarroi, nous, de notre côté, et en tant que parents, nous ne nous laisserons jamais faire et nous ne baisserons pas les bras. Tant que nous aurons ce souffle en nous, nous continuerons à plaider la cause de ces enfants", conclut-elle. AMAR R. [email protected]