Même si le ministre a réitéré le maintien de la gratuité des soins, sa déclaration n'a pas aidé à lever les inquiétudes des parlementaires. Contrairement au discours fleuve qu'il a tenu avant-hier à l'occasion de la présentation du projet de loi sanitaire à l'APN, le ministre de la Santé, Mokhtar Hasbellaoui, a expédié, hier, ses réponses aux questions formulées par les députés, en deux temps, trois mouvements. Les explications qu'il a fournies, d'une manière succincte, ont manqué de convaincre les parlementaires. En effet, le représentant du gouvernement a tenté de rassurer quant à l'engagement de l'Etat à maintenir le principe de la gratuité des soins. "Le projet que je vous ai présenté hier (dimanche, ndlr) ambitionne principalement de protéger les citoyens en matière de santé. Le nouveau texte de loi a été élaboré pour prodiguer des soins de qualité aux Algériens. Je réitère, aujourd'hui, devant vous, l'engagement de l'Etat à garantir la gratuité des soins. C'est un principe irrévocable", a-t-il affirmé. Par la même occasion, le ministre de la Santé a délivré un signal négatif aux médecins résidents qui sont en grève ouverte depuis plus de cinq mois. "Il est hors de question d'abroger le service civil qui reste, selon les lois de la République, une obligation qui garantit l'accès aux soins sur tout le territoire national, mais nous améliorerons encore les conditions d'affectation et d'installation des futurs spécialistes." Ce qui n'augure pas d'une sortie de crise. La prestation du Pr Hasbellaoui n'a pas rassuré, y compris des députés de la majorité parlementaire. L'élu du FLN d'El-Oued, El-Hadi Kouidri, a affiché, lors de son intervention dans les débats, des réticences quant à l'applicabilité du texte de loi de Hasbellaoui. "Je vous le dis en toute sincérité, je suis vraiment dans la gêne. Doit-on défendre le projet du gouvernement ou bien décrire la réalité des Algériens dans les hôpitaux ? On ne peut cacher la réalité des citoyens dans les hôpitaux. Il y a des citoyens à El-Oued qui souffrent au quotidien dans les structures sanitaires. Il y a des gens qui meurent. La rougeole a tué à El-Oued, en raison d'absence de prévention. Les services concernés n'ont pas rempli convenablement leur mission. Les gens avaient peur de se faire immuniser contre les maladies virales parce qu'on leur a dit que le vaccin tue." Son camarade dans le groupe parlementaire FLN, le Dr Tigharsi El-Houari, n'en pense pas moins. Il a formulé ouvertement, à l'issue de la levée des travaux en plénière, des réserves sévères quant à la teneur des réponses avancées par le ministre. "Les explications du Pr Hasbellaoui étaient superficielles. Nous avons relevé des lacunes dans le texte qu'il faudra rattraper en travaux de commission." Interrogé sur la mise en application de la disposition traitant du financement des soins, il dira : "Il y a des articles qui stipulent que les collectivités locales financeraient la santé des citoyens. On se demande comment l'Etat a-t-il décidé de déléguer cette mission sensible aux communes qui ne sont même pas capables de bien gérer des écoles primaires ? Alors, pourquoi a-t-on confié la santé des Algériens aux collectivités ?" Les élus des formations politiques de l'opposition ont maintenu, contre vents et marées, leur position annoncée, avant-hier, en plénière : "Le texte est truffé de non-dits. Il doit être carrément retiré et reformulé de fond en comble, et ce, en concertation avec des professionnels de la santé." La députée RCD, Mme Ouali Nora, a plaidé, dans son intervention, pour le retrait du texte avec l'ouverture d'un débat en associant tous les professionnels de la santé. "Avant de penser à réformer les lois régissant le secteur de la santé, le gouvernement devait, au préalable, engager des réformes concernant le système de Sécurité sociale, du moment que le projet en question promet, au bout de la course, la privatisation de la santé des Algériens. La seule victime de cette loi est le malade, puisqu'il continue à payer ses médicaments avec des prix exorbitants, et la Cnas continue de rembourser avec un barème révolu." Pour sa part, le député M'hamed Okbi du parti El-Karama n'a pas manqué de dénoncer "les comportements irresponsables de gestionnaires des structure de santé". "Il y a une réalité qu'on ne peut cacher avec un tamis. Les citoyens fuient les hôpitaux. Ils préfèrent aller se soigner chez des charlatans au lieu de se confier aux médecins en raison des dépassements des administrateurs, alors que l'Etat dépense énormément d'argent." À l'issue des débats ponctués par environ 200 interventions, les travaux en plénière ont été levés pour être repris en commission, avant de soumettre le projet de Hasbellaoui au vote lundi prochain, 30 avril. Hanafi H.