À la fondation Asselah Ahmed et Rabah, on se rend au rendez-vous littéraire, où l'on disserte sur l'œuvre livresque à la bonne franquette. Et là, c'est la magie d'Amin Zaoui qui opère et qui soude l'auditoire des liens d'une bande d'amis(es) venus fêter dans la joie l'heureux évènement de "l'enfantement" de L'enfant de l'œuf. Un roman né lors d'un voyage en train et publié aux éditions Barzakh. L'idée a fait tilt dans la tête de l'auteur, à l'instant où une pelote duveteuse de la taille d'un chihuahua à sa mémé a surgi de son panier pour se lover sur les genoux d'Amin Zaoui au point qu'il en était attendri. Emu, du fait qu'il s'était rappelé au souvenir douloureux de la perte de son chien, l'écrivain Amin Zaoui n'a pu retenir une larme. "Les treize années de bonheur que procurent la compagnie d'un chien suffisent amplement à atténuer la douleur de sa disparition !" Et cela a suffit à l'éclosion de Harys, ce chien ou plutôt cette boule velouteuse qui s'interdit d'être un chien de chasse puisqu'il n'est que tendresse et compagnie pour son maître Mouloud ou "Moul" pour les intimes, cet écrivain du dimanche ou de préférence "du vendredi". Narrateur jusqu'au bout de son museau, Harys nous conte l'existence épicurienne de son maître qui raffole de la regrettée cheikha Remitti, née Saâdia El-Ghilizania (1923-2006) lorsqu'elle interprétait Lbirra arbiya wa l'whisky gawri (La bière est arabe et le whisky est occidental). À eux deux, "Moul" et Harys étaient scellés à la chanson de l'hymne de l'amitié Jeff que chantait le défunt Jacques Brel (1929-1978). Tant et si bien que Harys "aboie" merveilleusement bien la chanson. "Ne me quitte pas. Laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre. L'ombre de ta main. L'ombre de ton chien." Alors, quoi de plus beau qu'une lecture sociétale décortiquée à l'instinct animal de Harys qui lit en nous comme dans un livre ouvert, l'hypocrisie née de "la politisation de la religion dans une société où le croyant passe avant le citoyen et où la religion passe avant la citoyenneté !" Autre personnage, "Lara" ! La gracieuse dame damascène, qui s'est incrustée avec sa croix dans l'intimité de Mouloud, où elle a trouvé de l'amour pour panser ces blessures et oublier les affreusetés de la guerre en Syrie : "On demande, du haut des minbars des mosquées, aux croyants algériens de prendre en deuxième ou en troisième épouse ces Syriennes qui envahissent les villes en fuient la guerre dans leur pays : Ô croyants d'Allah, épousez ces enfants errantes, vous vous tracerez un chemin vers le paradis." Seulement, tout n'est pas aussi rose que ça, du fait que l'hospitalité jadis légendaire de l'Algérien n'est plus que contrôle à la "houma" (quartier) et médisance à l'égard de l'étrangère "Lara l'ihoudiya" (Lara la chrétienne). C'en est ainsi "dans une société islamisée jusqu'à décider de la fermeture partielle des stations d'essence durant la prière du vendredi et où le chauffeur de taxi tout comme l'épicier du quartier s'improvisent muphti à tire-larigot. Pris ainsi dans la tourmente d'intenses exégètes, qu'il arrive à Harys de rêver lui aussi aux ‘houris' du Paradis". "Un écrivain, c'est celui qui a la capacité et l'audace de dire ce que les autres ne veulent pas ou ne peuvent pas dire. Quant à moi, je fouille dans l'arrière-scène et je dénonce ce qui dérange. À ce titre, on écrit pour se libérer soi-même et libérer le lecteur", a déclaré le conférencier qui s'est focalisé autour de l'éternelle problématique de la femme et de sa vision dans une société où elle vit le mal-être et l'exclusion. De telles rencontres, le public en redemande pour se libérer du joug de l'intolérance. Louhal Nourreddine