Le gouvernement a décidé d'accorder plus de prérogatives à la Cour des comptes, une institution chargée, en théorie du moins, officiellement de veiller, entre autres, à la régularité des comptes de l'Etat et de contrôler le bon emploi et la bonne gestion des fonds publics. Il l'a fait dans le cadre du projet de loi organique relatif aux lois de finances présenté, lundi 7 mai, par le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, devant la Commission des finances et du budget de l'APN. Dorénavant, la Cour des comptes ne se contentera plus d'élaborer un rapport d'observation, mais adoptera officiellement les comptes de l'Etat pour un exercice donné. Et si les comptes présentaient des "ratures" ! Pourrait-il enquêter sur pièces et sur place ? Le ministre des Finances ne semble pas avoir de réponse. Cependant, le bon côté des choses est que la loi organique à l'étude fait en sorte d'éviter un éparpillement des interventions et d'assurer la visibilité des actions en matière de dépenses. Et, élément essentiel dans le nouveau cadre de gestion budgétaire : la responsabilité financière repose sur les épaules d'un "commissaire aux programmes". Ce dernier est, en fait, l'œil de la Cour des comptes. S'y ajoute le fait que les budgets de fonctionnement et d'investissement seront intégrés sous un seul compte. À bien y regarder, le cadre de gestion budgétaire consacré par la nouvelle loi confère plus de liberté aux gestionnaires et, partant, plus de responsabilités, d'où le principe d'évaluation et de contrôle des performances. Le ministre des Finances explique ainsi que la gestion budgétaire dans sa nouvelle mouture repose sur le budget des programmes, permettant d'établir une stratégie de dépenses pour le moyen terme, ce qui confère, selon lui, plus de liberté aux gestionnaires dans la gestion des programmes, en ce sens qu'elle permettra le transfert des affectations selon des procédures précises. Tout cela se fera selon le principe d'un budget élaboré sur la base de résultats envisageables à partir d'objectifs fixés au préalable et non pas en fonction des dépenses, comme c'est le cas actuellement. Par ailleurs, le projet de loi organique en question prévoit la définition d'un cadre budgétaire triennal mis à jour chaque année, ce qui donnera plus de prévisibilité à la gestion du budget de l'Etat. Il faut dire que le pays a perdu énormément de temps dans un schéma basé sur le principe de l'annualité, une sorte de plan directeur où sont prises la plupart des décisions ayant trait à l'économie, au commerce, à l'entreprise... Il était donc temps d'établir un cadre financier triennal. Du reste, Abderrahmane Raouya, tout en qualifiant d'irréversible le principe d'annalité dans les finances publiques, a souligné cependant que les programmes gouvernementaux dépassaient le cadre annuel, notamment lorsqu'il s'agit de l'exécution de sa politique publique. Sur cette base, a-t-il indiqué, le principe d'annalité sera "exclu des dépenses d'équipement pour un programme donné". Toutefois, des affectations de la ressource pourraient être dégagées par le gouvernement — dans des cas urgents — à travers des décrets, à condition que le montant cumulé de ces affectations ne dépasse pas 3% des affectations prévues par une loi de finances. Par ailleurs, le projet de loi organique prévoit la possibilité d'ouvrir un compte d'affectation spécial devant contenir l'excédent des prévisions des ressources fiscales des hydrocarbures. L'utilisation des revenus de ce compte (Fonds de régulation des recettes) ne dépassera pas un taux défini du Produit intérieur brut (PIB), lequel sera fixé en vertu de la loi de finances. Ainsi, le gouvernement ne compte pas se passer de cette caisse, vide aujourd'hui. Il n'explique cependant pas comment seront effectués les prélèvements fiscaux censés l'alimenter. Youcef Salami