Les riverains de la rue du Stade (Hydra) sont en colère alors qu'une promotion immobilière va réaliser un immeuble là où se dressait une grande maison familiale. Le promoteur continue les travaux malgré une action en justice. Promotion immobilière et respect des règles d'urbanisme ne semblent pas faire bon ménage dans beaucoup de villes algériennes, tant l'anarchie règne en maître. C'est justement ce qui se passe à Hydra, pour ne citer que ce quartier résidentiel, qui, au fil des ans, voit ses belles villas coloniales ou post-coloniales disparaitre et être remplacées par des immeubles (bâtiments administratifs) en verre, des hôtels ou encore des promotions immobilières. La rue du Stade (Hydra) n'échappe pas à cette tendance et voit émerger de terre un bâtiment qui, de l'avis du voisinage, ne devrait pas être érigé à cet endroit. Il est l'œuvre de la promotion immobilière "Primat Promotion" qui s'est lancée dans la réalisation d'un immeuble dans ce quartier résidentiel (rue du Stade) au milieu d'un lot d'habitations individuelles dénaturant, ainsi, l'identité même du concept urbain dit "quartier de villas". Et l'histoire ne s'arrête pas là. C'est du moins ce que soutiennent les nombreux habitants du-dit quartier qui n'ont pas manqué de signer une pétition s'insurgeant contre la réalisation de cette bâtisse. "Comment peut-on permettre la construction de ce type de bâtisse qui ne respecte en rien les règles urbanistiques ?" s'interrogent M. B. et sa famille directement concernés par cette construction en tant que voisins directs (mitoyens). "Nous doutons fort de la conformité au règlement de son permis de construire", accusent-ils, avant de s'indigner que l'on puisse ainsi autoriser la construction d'une bâtisse qui vient troubler leur quiétude. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à soulever le problème. "Je regrette amèrement la démolition de l'ancienne bâtisse qui était très jolie et qui a été remplacée par cet immeuble sans âme", regrette, dépitée, une voisine de la famille. Un autre riverain laisse libre cours à sa colère : "Je suis de l'autre côté du quartier, mais je suis outré qu'on laisse faire. Si on ouvre ainsi la voie — et c'est déjà le cas — le cachet du quartier va complètement disparaître alors qu'il devrait être plus que jamais préservé." Beaucoup d'autres voisins s'inquiètent pour le stationnement et tout ce qui va suivre comme circulation automobile sans parler de la verdure et des arbres (jardins) qui seront sacrifiés au profit du béton. "Nous avons entamé une action en justice pour dénoncer les abus", nous a indiqué M. B., précisant que "ce promoteur est en train de réaliser son projet au mépris de toutes les règles urbanistiques et n'a pas observé la marge de recul par rapport à notre maison. En outre, il ne respecte pas le contenu du permis de construire". M. B. qui déplore la lenteur de la justice (de report en report) en appelle aux plus hautes autorités pour se pencher sur la question. "Il existe des lois et des procédures dans ce pays et personne ne peut être au-dessus de ces lois... même si on a le bras long." "Le promoteur doit respecter la hauteur et la marge de recul", selon des experts Sollicité pour son avis d'expert en la matière Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (Cnea) soutient : "On ne construit pas à sa guise. Il existe une réglementation stricte en la matière." Et de poursuivre : "Il y a lieu de prendre en considération le POS, sinon il faut voir avec les services de la wilaya et passer par le guichet unique." L'expert en question parle aussi "du respect de la zone non aedificandi" qui peut être un lotissement, une terrasse, une clôture, un abri de jardin, etc. Dans le cas présent, le promoteur n'a pas respecté la distance requise entre le domicile de son voisin et sa propriété condamnant, même, avec cette nouvelle bâtisse, des arbres (pins) à une mort certaine car il n'y aura plus d'ensoleillement. À la question de savoir si cela peut être permis dans le cas où le promoteur érigerait un mur aveugle, l'expert en question répond par la négative : "Non bien sûr. Ce sont là des règles universelles." Un autre expert abonde dans le même sens : "Les riverains d'une voie publique doivent construire en retrait de la rue", avant de poursuivre : "Pour implanter leur habitation, les propriétaires doivent aussi respecter certaines distances par rapport aux parcelles voisines. Elles se calculent en fonction de la hauteur des différents points du bâtiment et de la limite de la parcelle la plus proche, sans pouvoir être inférieure à 3 mètres au minimum sauf si la maison est construite sur la limite séparative de la parcelle du voisin. Dans ce cas, il convient de respecter les règles concernant les distances des ouvertures et vues et se référer au Plan d'occupation des sols (POS) s'il en existe un pour Hydra." L'APC d'Hydra impuissante... L'affaire remonte à 2016, date à laquelle le permis de construire a été accordé à la promotion immobilière, et ce, au grand dam des habitants du quartier, notamment le voisin direct. Aussitôt, des voix se sont élevées pour exprimer un mécontentement général et solliciter l'intervention des autorités locales — notamment l'APC — saisies en 2017 par écrit avec une pétition signée par les riverains. L'APC a fini, en effet, par enclencher son enquête (commission technique) qui a abouti à une décision d'arrêt des travaux partant du fait qu'"il existe un empiètement sur la voie publique". C'est ce qui nous a été affirmé par le secrétaire général de l'APC d'Hydra sollicité pour plus d'éclaircissements sur ce dossier. "Nous sommes allés en justice et nous avons réussi à faire arrêter les travaux une année durant. Mais nous avons été déboutés et le promoteur a repris les travaux en juin dernier." Il ajoutera : "Nous n'avons pas manqué de faire appel et nous attendons que la justice tranche cette affaire. Alors, attendons pour voir..." Or, un architecte urbaniste, expert auprès des tribunaux, nous a assurés que "tant que l'affaire est pendante, puisque l'APC a fait appel, il n'a pas le droit de reprendre les travaux". C'est qu'entre-temps, le promoteur avance très vite dans la réalisation de son R+3 qui prend les allures d'un R+5 comme constaté sur la maquette disponible sur son site web. Le permis de construire obtenu par le promoteur, délivré par l'ancien P/APC Ferah Mohamed Nacer, le 12 mai 2016, fait mention d'un R+3+rez de chaussée côté bas +S/sol (immeuble de 11 appartements de type F3, F4 et F5). À la question de savoir pour quelle raison le directeur de l'urbanisme de l'APC d'Hydra se trouve en prison, le SG répond sur un ton irrité : "Cela n'a rien à voir avec ce dossier..." L'appât du gain est plus fort "Le cas de Primat Promotion n'est pas isolé. Hydra connaît d'autres cas d'infraction", a reconnu le SG de l'APC. "Nous sommes comme toutes les autres communes", se défend-il. Cela révèle le degré de délabrement de notre tissu urbain qui ne tient compte d'aucune qualité environnementale pouvant même amener à une densification incontrôlée sans qu'aucune partie s'en inquiète faisant fi de toute notion dite "trouble de voisinage". Mais qu'importe ! Au vu du prix du mètre carré à Alger et particulièrement dans des quartiers huppés tels que ceux d'Hydra et d'El Biar qui ont atteint des seuils inimaginables, il est clair qu'on se soucie peu de l'avis des autres et de l'harmonie de l'urbanisme et pourquoi pas de la loi elle-même. Des villas individuelles (maison familiale) sont, ainsi, transformées en promotions immobilières comme c'est le cas pour Primat Promotion sur ce projet à Hydra. D'autres propriétaires vendent aussi avec l'idée d'aller construire ailleurs et font des économies sur la vente et ceux qui vendent pour quitter le pays et, dans tous les cas de figure, ne s'embarrassent guère de ce qui pourrait advenir du quartier après leur départ. La qualité de vie est, par la suite, reléguée au second plan car, en définitive, il existe un grand décalage quant à la qualité de la production du bâti et de la construction, entre les textes juridiques et la réalité sur le terrain. Autrement dit, la qualité du bâti reste le grand absent de la construction algérienne. Nabila SaIdoun