Autant il s'en dégage l'amère impression qu'elle est honnie par l'autorité, autant elle est idolâtrée par le poète et l'artiste peintre. Bien que ni l'aède ni l'illustrateur n'aient la truelle du maçon, le faiseur du beau s'efforce néanmoins à lui restituer les couleurs qu'elle n'a plus ! Pour se faire, l'artiste peintre s'inspire à l'endroit même où l'avait précédé Eugène Fromentin (1820-1876). Soit au carrefour où l'auteur d'Alger, fragments d'un journal de voyage (1857) a laissé l'empreinte de sa muse près de la mosquée de Sidi M'hamed Chérif, où nos artistes vont pour tremper leurs pinceaux dans la verve qui sert à ciseler l'image de l'orientalisme ! Est-ce le cas du beaux-ariste Abdeslam Cherfaoui ? Et à voir la lueur d'étoiles de sous ses toiles à l'effigie de Scènes d'Alger, l'on est tenté de humer l'exhalation du "Couscous", dont l'effluve crayonne des arabesques qui ascensionnent de l'"Ouast-eddar" jusqu'au "s'tah" (terrasse), où la "Casbadjia s'accoude au muret de la terrasse" en prélude à un brin de conversation avec la voisine. À tout le moins, les toiles de cet enseignant de collège ont tout l'air d'un vécu que l'on goûte dès que l'on s'invite pour une "qahwat lâachia" (pause-café de l'après-midi) dans l'intérieur feutré d'un décor de l'"Algéroise" ! Autant d'instants lumineux, où l'option sculpture de Abdeslam Cherfaoui s'efface pour l'éclosion d'un boom de couleurs qui éclairent l'allée de la galerie d'art du centre culturel Abane-Ramdane (1920-1957), d'habitude si sombre. Mais qu'à cela ne tienne, du fait qu'il a fallu l'éclosion de jeunes talents pour que le visiteur s'éblouisse l'œil avec le rituel de "Femmes en visite au saint", sans doute à la "qobba" (dôme) du mausolée d'un saint de ness el-fahs (les habitants de banlieue). Et le plus révélateur de l'exposition, c'est la parenthèse spectaculaire qu'à ouverte l'artiste potière Hayet Djodar à l'aide d'une douzaine d'œuvres, où le moindre carreau de céramique fait l'éloge d'une médina qui s'en va, hélas, en morceaux. Issue de la maison de jeunes du "11-Décembre-1960" à Belouizdad, cette façonneuse de l'argile avance certes à petits pas, mais elle progresse vers l'art du feu, eu égard à sa gamme d'œuvres si esthétiques de glaçure. Autre alliée à l'encens de bled Sidi Abderrahmane Ethâalibi, il y a aussi l'harmonieux apport de l'artiste peintre autodidacte Akila Saïm, qui offre au visiteur "une virée en pirogue" vers "La baigneuse", œuvre du sculpteur Georges Biguet au Jardin d'essai d'El-Hamma. Issue de la maison de jeunes Abderrahmane-Lalla, sise au boulevard des Martyrs, l'artiste peintre Akila Saïm brille des couleurs du "Froukh Ettaous" (paon), ce volatile de compagnie de bent el-Casbah. Donc, autant y aller ne serait-ce que pour encourager ces étoiles montantes qui exposent jusqu'au 21 juillet. Louhal Nourreddine