“Rahoum mahgourine… mahgourine !” Ce cri a été lancé, hier, par des femmes en larmes qui interpellaient, bruyamment, M. Sallat Abdelkader, ministre délégué chargé de la réforme pénitentiaire. Ce dernier sortait juste de la Casbah, le centre pénitentiaire d'Oran où il venait d'effectuer une visite très guidée et préalablement préparée. À l'extérieur, les familles des détenus attendaient, dans le froid, l'heure de la visite. En voyant la délégation, ce fut immédiatement la bousculade, les femmes criaient à qui mieux mieux : “Aidez-nous, Monsieur le ministre… Donnez une grâce !” Maintenu à bonne distance, le ministre écoute une jeune femme qui parvient à attirer son attention et lui parle de son mari incarcéré sans jugement. “je n'ai personne pour faire vivre mes enfants…”, lui lance-t-elle. Au côté du ministre, son secrétaire note sur son agenda, un nom, un prénom... les policiers se positionnent pour éviter tout débordement. Au moment où le ministre se dirigeait vers son véhicule, une femme réussit à passer et tentera de s'agripper à la porte du véhicule dans l'espoir de se faire entendre. En vain, la délégation démarrera en trombe. Ces familles souffrent au même titre que leurs proches incarcérés dans des conditions extrêmement dures et inhumaines. La Casbah, qui date du début de la colonisation française, avait une capacité de 1 500 détenus, aujourd'hui ils sont plus de 2 300 prisonniers. C'est, essentiellement, en raison des mauvaises conditions d'incarcération et des mauvais traitements que deux mutineries ont eu lieu au centre de rééducation des mineurs à G'dyel, lieu de la première étape de la visite de M. Sallat. En 2000, une mutinerie, suivie d'une évasion, a eu lieu, et au cours de laquelle de nombreux détenus furent gravement blessés suite à l'incendie qui avait été provoqué par de jeunes détenus. En 2001, une deuxième mutinerie a eu lieu dans le même centre et fut rapidement maîtrisée par les forces de police. Aujourd'hui, après avoir “consommé” trois directeurs, le centre présente un autre visage. Certes les conditions d'incarcération restent dures, mais un effort a été fait. Le ministre n'aura de cesse de répéter que “ce centre n'est pas une prison et donc ne doit pas fonctionner comme telle”. Tout au long de notre visite, il fut strictement interdit aux journalistes d'établir le moindre contact avec les détenus. En 1999, M. Mekamcha, alors ministre de la Justice, s'était rendu ici. À l'époque, des jeunes détenus nous avaient fait part des mauvais traitements qu'ils subissaient de la part des gardiens. Le ministre chargé de la Réforme pénitentiaire abordera par la suite cette question en présentant les volets de sa réforme. Pour lui, les conditions d'incarcération peuvent être améliorées par la formation des encadreurs. En revanche, à la prison des femmes qui se trouve également à Gdyel, M. Sallat fut confronté à l'épineux problème des lenteurs judiciaires. Il sera ainsi très attentif au cas d'une jeune fille, âgée de 15 ans. Détenue depuis 4 mois et demi, celle-ci est toujours dans l'attente de son jugement. D'autres détenues ont également interpellé le ministre sur le problème des transferts pour raisons familiales. Cinq femmes originaires de Chlef purgent des peines d'emprisonnement à Gdyel et attendent une réponse à leur demande de transfert. À chaque étape de sa visite, le ministre se fera présenter plusieurs cellules où à l'évidence l'on avait soigneusement posé des couvertures neuves. Les tenues de certains détenus comme à la Casbah respiraient le propre et le neuf ! Au cours de sa visite au niveau du chantier extérieur qui accueille 20 détenus dans une ferme à Messerghine, M. Sallat annoncera le lancement, dès 2003, du projet d'un nouveau pénitencier pour Oran, ainsi que le relèvement de la somme allouée aux repas qui est de 56 DA actuellement. F. B.