Obéissant à des instructions occultes, la direction du port a repris, de nuit, des équipements importés par Cevital, dédouanés et sortis de l'enceinte portuaire en toute légalité. Le changement à la tête du port de Béjaïa avait fait naître un espoir d'un possible déblocage du projet de Cevital de trituration de graines oléagineuses. Cet espoir a bien commencé à prendre forme début juillet au port de Skikda avec le déchargement, puis le dédouanement d'une cargaison de 16 conteneurs renfermant des équipements de trituration de graines oléagineuses. Cette cargaison, nous apprend TSA, a même pu quitter l'enceinte portuaire pour être stockée chez un particulier à Skikda en attendant son transfert vers Béjaïa. Mais cet espoir s'est envolé le 17 juillet dernier, indique le quotidien électronique. Obéissant à des instructions occultes, le port de Skikda opère une volte-face des plus surprenantes. Il informe par une correspondance officielle le Groupe Cevital que l'opération n'a pas reçu "l'aval des autorités compétentes" et intervient dans la foulée, et de nuit, pour reprendre ces équipements entièrement payés par Cevital et dédouanés et sortis du port en toute légalité. Pis encore, le port demande au Groupe de réexporter les conteneurs dans les plus brefs délais ! Une demande, formulée par écrit, qui laisse entendre clairement qu'un ordre a été donné d'en haut et que le port de Skikda n'avait d'autre choix que de l'exécuter. D'ailleurs, d'après des sources bien informées, le directeur du port de Skikda a reçu des instructions de Djelloul Achour pour récupérer les équipements dédouanés normalement. Il a également eu droit à un appel du ministre des Transports, Abdelghani Zaâlane, qui lui a intimé le même ordre, sur instruction de Saïd Bouteflika. Sans même prendre la peine de vérifier la réglementation et de s'y conformer, la direction du port de Skikda, citant de mystérieuses "autorités compétentes" qui n'auraient pas donné leur aval pour la réalisation du projet de Cevital, enjoint à Cevital de "prendre des mesures" pour réexporter des équipements importés, payés, dédouanés légalement et sortis du port, donc "algérianisés". Un simple coup de fil à la Banque d'Algérie, à la Direction des douanes ou au ministère des Finances aurait appris à ces "autorités compétentes" que réexporter des équipements "algérianisés" est, tout simplement, interdit par la loi. Qu'à cela ne tienne, car dans ce dossier nous n'en sommes pas au premier abus. Il est clair, désormais, que le blocage du projet de Cevital n'est le fait d'aucune "autorité compétente" mais bel et bien de parties occultes, tapies dans l'ombre, dont le seul souci est de préserver leurs intérêts étroits, quitte même à prendre en otage l'économie de tout un pays, foulant aux pieds les lois votées et promulguées pour encourager et encadrer les investissements économiques, sacrifiant même le droit au travail et donc l'avenir de milliers de jeunes Algériens. Après celui de Béjaïa, ce triste épisode qui a eu pour théâtre le port de Skikda est une preuve éclatante de la volonté de ces parties à arriver à leurs fins, quoi qu'il en coûte au pays, à son économie et son image à l'international. Quand un fonctionnaire se laisse instrumentaliser et les aide à réaliser leur sinistre dessein, il se voit promu, comme c'est le cas de l'ancien P-DG du port de Béjaïa, Djelloul Achour. En somme, une prime au sabotage. Quant à ceux qui font leur travail et appliquent la réglementation, ils sont vertement tancés, menacés et sommés de "rentrer dans les rangs". C'est manifestement ce qui vient de se passer au port de Skikda. Ce message a d'ailleurs été bien reçu par le directeur de la capitainerie du port d'Annaba, lui qui a demandé, dans une correspondance adressée aux directeurs des agences de consignation CMA CGM, MSC, Arkas, Maersk, CSA, GSA, HH Liner et Nashco et publiée par TSA, de "prendre toutes les mesures nécessaires afin d'interdire tout embarquement à destination du port d'Annaba, de conteneurs chargés d'équipements destinés à l'usine de trituration de Cevital". Dans le même courrier, le directeur de la capitainerie du port d'Annaba a informé les directeurs de ces agences de consignation qu'"en cas de constat de ce type de marchandises à bord des navires, les conteneurs en question ne feront pas l'objet de débarquement par nos services". Une méthode bien connue et déjà utilisée par Djelloul Achour dans sa gestion du dossier Cevital à Béjaïa. Jamais les affaires économiques de notre pays n'ont été traitées avec autant d'irresponsabilité. Il est impérieux aujourd'hui de nous poser la question sur les bénéficiaires de ce crime économique que les plus hautes autorités de notre pays continuent de couvrir. La réponse est un secret de Polichinelle. Il s'agit de Redha Kouninef qui, fort de sa proximité avec Saïd Bouteflika, s'est érigé en décideur dans une Algérie dont nous nous demandons bien si le Président élu aurait accepté une telle mascarade s'il avait toutes ses capacités. Il faut souligner, en effet, que le sabotage du projet de Cevital, déjà largement abordé par la presse, la classe politique et l'opinion nationale, notamment sur les réseaux sociaux, suscite également des interrogations au niveau international, ce qui a forcément pour conséquence immédiate de déclasser l'Algérie comme destination potentielle d'IDE. Et, plus encore, d'écorner un peu plus son image et celle de ses institutions. C'est sans doute un signe que les chancelleries étrangères accréditées à Alger observent et analysent le climat des affaires dans notre pays à l'aune de cette affaire assez révélatrice. Il y a deux jours, l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, accompagné de son épouse, a visité le complexe Cevital à Béjaïa. Il n'a pas manqué, à l'occasion, de se rendre sur le site où le Groupe prévoit d'installer son usine de trituration de graines oléagineuses. Un projet qui se trouve bloqué depuis 485 jours sans aucune explication officielle, alors que trois Premiers ministres (Abdelmalek Sellal, Abdelmadjid Tebboune et Ahmed Ouyahia) se sont succédé à la tête de l'Exécutif durant cette période, sans qu'aucun d'entre eux réagisse pour faire respecter la loi. Un aveu d'impuissance qui nous amène à nous interroger : où va notre pays ? A. B.