Les petits fournisseurs, dont l'Algérie et le Nigeria, risquent de subir la concurrence américaine même si l'Algérie dispose d'importants atouts liés aux coûts de la production, aux prix concurrentiels et à la proximité géographique. Le président américain, Donald Trump, fait monter les enchères pour offrir à son pays le statut de grand fournisseur de gaz à l'Europe. À l'issue de sa rencontre, mercredi, avec le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, Donald Trump n'a pas manqué, comme à l'accoutumée, de mettre son grain de sel, annonçant que l'Europe deviendrait "un acheteur massif" de GNL (gaz naturel liquéfié) américain. Certains y voient un bluff, eu égard à la faible compétitivité du GNL américain face au gaz russe, mais la donne US ne manquera assurément pas de faire grimper la concurrence sur le marché européen. Si les grands fournisseurs du Vieux Continent, à l'image de la Russie et de la Norvège, fourbissent d'ores et déjà leurs armes face au GNL américain, les petits fournisseurs, dont l'Algérie et le Nigeria, risquent, eux, de subir la concurrence américaine même si, au plan de la compétitivité, l'Algérie dispose d'importants atouts liés aux coûts de la production, aux prix concurrentiels et à la proximité géographique. Les deux plus grands fournisseurs de l'Europe en gaz, la Russie et la Norvège, ont, d'ores et déjà, annoncé la hausse de leur production. Pour faire le poids face au GNL américain, les deux pays jouent sur la corde de la proximité géographique, la sécurité de l'approvisionnement ainsi que sur les prix. Le GNL américain exporté vers l'Europe reviendrait entre 6 et 7,50 dollars par million de BTU, tandis que le gaz acheminé vers le Vieux Continent par gazoduc coûterait entre 3,50 à 4 dollars par million de BTU. Néanmoins, pendant que certains doutaient encore de la capacité des Etats-Unis à fournir l'Europe en gaz en "quantités industrielles", les Américains se dotent de Sabine Pass, un gigantesque terminal gazier implanté en Louisiane, et de cinq usines de liquéfaction d'une capacité de 65 millions de tonnes par an. C'est une force de frappe redoutable qui permettra à l'Europe de s'approvisionner de manière continue en GNL américain. Les infrastructures américaines font augmenter d'un quart la capacité mondiale de production de GNL et devraient contribuer par-dessus tout à réduire les écarts de prix entre les différents marchés. À court terme, les volumes exportés par les Etats-Unis pourraient couvrir 20% de la consommation européenne qui tentait tant bien que mal de réduire sa dépendance au gaz russe. Plus que jamais, les Etats-Unis de Donald Trump veulent leur part du gâteau, tout en mettant à profit l'effet des pressions commerciales sur l'Europe. Et si ce deal USA-Europe venait à être conclu, il se ferait, bien évidemment, au détriment des petits fournisseurs. Les Russes, bien qu'ils pensent que leur gaz est au-dessus de toute concurrence, sont prêts à protéger leur marché à tout prix. Ils n'hésiteront surtout pas à actionner le levier des prix pour affecter la rentabilité du gaz américain. Une tarification un peu moins élevée que les niveaux actuels risque de dissuader les exportateurs américains et de freiner le mouvement des navires partant de Louisiane vers les terminaux implantés en Europe. L'Opep, faut-il le rappeler, n'avait pas hésité à actionner le levier des prix pour freiner l'essor du pétrole de schiste et défendre ses parts de marché. Sauf que cette façon de faire pourrait s'avérer préjudiciable pour certains partenaires traditionnels de l'Europe, à l'image de l'Algérie, dont la production est moins flexible que celle des autres fournisseurs. Une guerre des prix n'est non plus opportune pour un pays comme l'Algérie qui renégocie actuellement ses contrats à long terme avec certains de ses clients européens. Les nouveaux contrats pourraient être indexés sur le prix spot du gaz en Europe, au niveau des hubs d'approvisionnement, et non plus sur le prix spot du pétrole. C'est un changement qui peut avoir des répercussions importantes sur la balance commerciale algérienne dans les années à venir. Ali Titouche