L'instruction judiciaire autour de l'affaire des 701 kg de cocaïne saisis le 29 mai dernier au port d'Oran piétine en attendant le retour des commissions rogatoires dépêchées au Brésil et en Espagne, et une éventuelle audition de l'ex-DGSN, réclamée par la défense de Kamel Chikhi. À ce stade, l'enquête judiciaire s'est limitée au périmètre de l'importateur et promoteur immobilier Kamel Chikhi, de ses deux frères, de son associé, de son directeur commercial, ainsi que d'un de ses employés. "Dans le dossier, il n'y a aucune preuve de la responsabilité pénale des six accusés", avance une source judiciaire. Pas de traçabilité de déplacement de Kamel le Boucher au Brésil, ni de contacts téléphoniques entre lui et des supposés intermédiaires de cartels de drogue. -Le dernier déplacement de Kamel Chikhi vers ce pays où est domiciliée Mirvena Foods, la société avec laquelle il avait un contrat d'exclusivité d'importation de viande, remonte à 2009. Devant la gendarmerie comme devant le juge, le principal accusé n'a cessé de marteler qu'il n'avait aucune relation avec la drogue dure interceptée. Il a avancé que sa cargaison a été utilisée à son insu. "Le MCS Amalfi", le cargo qui a transporté la viande importée par la société Dounia Meat, a déchargé la marchandise au port de Valence, en raison, principalement, de son gabarit qui ne lui permettait pas d'accoster au port d'Oran. C'est là que les conteneurs ont été passés au scanner, puis ouverts en l'absence du représentant de la société brésilienne qui a fourni la viande, de la société MSC qui a assuré le transport et du capitaine de bord. "C'est une violation flagrante du droit maritime international qui fait obligation de la présence de ces personnes lors de l'ouverture des conteneurs et du changement de scellés", clame la défense de Chikhi. Une fois la marchandise fouillée, elle est réembarquée sur un bateau plus petit, le "Vega Mercury", à destination d'Oran. Le commandant du "Vega Mercury" ainsi que six membres de l'équipage ont été auditionnés en juin dernier par le juge d'instruction de la 9e chambre spécialisée du tribunal de Sidi-M'hamed, en qualité de témoins. Ils ont été, le même jour, autorisés à quitter le territoire national. Comment les autorités espagnoles ont-elles eu vent de la présence de la cocaïne dans les conteneurs de viande ? Pourquoi les deux frères de Chikhi ont-ils été placés sous mandat de dépôt, alors que Kamel le Boucher est le seul propriétaire de la société Dounia Meat importatrice de la viande ? Pourquoi le fournisseur de la marchandise et l'armateur n'ont-ils pas été interrogés ? Pourquoi la justice algérienne n'approfondit-elle pas l'enquête autour des pièces à conviction saisies par les services de sécurité sur le "Vega Mercury" en même temps que la cocaïne ? En l'occurrence, les GPS, les lampes, les sacs imperméables, les batteries et les cordes. Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, comme le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ont affirmé, dès l'éclatement de cette affaire, qu'elle avait des ramifications internationales. C'est dans cette direction que le juge devrait axer son investigation judiciaire. C'est ce que souhaite également la défense de Kamel Chikhi qui vient de réclamer l'audition de l'ancien DGSN, Abdelghani Hamel. En effet, au moment où la cocaïne a été saisie, l'ex-patron de la Sûreté nationale venait de rentrer d'une mission officielle d'une semaine en Espagne, pays par lequel a transité la cargaison de viande où se trouvaient les 701 kg de cocaïne. Quelques heures avant son limogeage, le 26 juin dernier, Abdelghani Hamel avait déclaré qu'il détenait des informations sur le dossier et qu'il allait les remettre à la justice afin de faire avancer l'enquête. Hamel avait également relevé des "dépassements" dans l'instruction préliminaire. Il n'en dira pas davantage. Hormis cette petite phrase que tout le monde aura retenue : "Pour lutter contre la corruption, il faut être soi-même propre." Pour Saïd Younsi, membre du collectif d'avocats de Kamel Chikhi, l'ex-patron de la DGSN doit être interrogé sur sa supposée relation avec le Boucher. Si elle est confirmée, il devra en expliquer la nature. Nissa H.