La rencontre en elle-même est significative d'une accélération du processus politique qui vise à "convaincre" Bouteflika de postuler à sa propre succession. Petite éclaircie dans l'épais brouillard politique qui, jusqu'ici, a désorienté y compris les plus perspicaces des observateurs politiques. Après avoir l'un après l'autre renvoyé le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Makri, qu'ils ont rencontré, respectivement mercredi dernier et avant-hier, les secrétaires généraux du Front de libération nationale (FLN), Djamel Ould Abbes, et du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, ont repris de s'occuper de l'essentiel : faire cause commune et constituer un chœur pour appeler le chef de l'Etat sortant, Abdelaziz Bouteflika, à briguer un mandat supplémentaire, le cinquième d'affilée. De source interne à l'ex-parti unique, on a appris, en effet, qu'hier, en début d'après-midi, Djamel Ould Abbes s'est rendu au Palais du gouvernement pour y rencontrer Ahmed Ouyahia, non pas le Premier ministre, mais le chef de parti. "Même si la rencontre a eu lieu au Palais du gouvernement, c'est une rencontre entre deux chefs de parti qui soutiennent l'option du 5e mandat pour le président de la République", devait préciser, insistante, notre source, qui ajoute que "les deux hommes ont convenu d'appeler, dans un avenir proche, d'une même voix, Bouteflika à se représenter à la magistrature suprême". La rencontre, qui a duré près de trois quarts d'heure, selon notre source, a été mise à profit pour échanger autour de la situation économique du pays, de la crise en somme et des moyens à mettre en œuvre pour y faire face. Mais au-delà de la teneur des échanges entre Ouyahia et Ould Abbes, la rencontre en elle-même est significative d'une accélération du processus politique qui vise à "convaincre" Bouteflika de postuler à sa propre succession. La rencontre se lit comme le premier acte d'un contrat politique que le FLN et le RND sont en passe de conclure. En fait, elle sonne la fin de la récréation, et précise, au besoin, l'option d'un renouvellement de bail pour Bouteflika à El-Mouradia. Fin de la récréation, car, le FLN et le RND, le premier plus que le second, ont montré comme une difficulté à se conformer à une même feuille de route politique. Si ostentatoirement d'ailleurs que d'aucuns se sont même hasardés à déduire une incapacité du régime à surmonter les divergences. Et, conclure à un grincement de la machine politique du système n'était pas forcément une lubie, puisqu'aucune voix du sérail ne s'est exprimée entre-temps pour dire que la situation peut être grave, mais pas désespérée. Finalement, les petites estocades que se sont échangées les SG du RND et du FLN procédaient d'un jeu de rôle. Les laboratoires semblent avoir, encore une fois, réussi leur tour d'illusionnistes : faire accroire à une difficulté de réunir un consensus autour d'un 5e mandat pour Bouteflika. Au moins un acteur politique y a succombé : le président du MSP qui, sans faire des adieux appuyés à l'opposition qu'il a fréquentée assidûment quatre années durant, a cru devoir s'engouffrer dans la brèche qu'il a pensé naïvement ouverte. Il y a cru jusqu'au moment où ses rencontres avec Ould Abbes, puis Ouyahia l'ont rappelé à la réalité. Deux hommes qui annoncent leur collaboration pour le maintien du statu quo. Sofiane Aït Iflis