Pour l'écrivain, ce roman devrait permettre à tous les jeunes lecteurs de s'interroger sur le radicalisme, le cheminement social et psychologique y menant, et peut-être, ainsi, trouver dans la littérature un moyen de mieux s'y prémunir. Il se l'était promis, ne plus replonger, pour un roman, dans les affres du terrorisme, une thématique qui l'a marqué doublement, en tant qu'ancien militaire et en tant qu'écrivain, comme il se répète à le dire. Et pourtant, Yasmina Khadra, puisqu'il s'agit de lui, vient avec son dernier roman, "Khalil", paru aux éditions Casbah pour l'Algérie, de ramener les lecteurs au cœur du terrorisme, du radicalisme islamiste, dans la peau d'un kamikaze. L'écrivain prolixe était à Oran, ce samedi, pour présenter son ouvrage et pour une vente-dédicace qui a attiré nombres de ses fans. Devant eux et au travers des échanges qui en découleront, Yasmina Khadra évoquera "Khalil", le personnage principal, ce kamikaze des attentats du 13 novembre 2015, à Paris qui verront un commando frapper la capitale française. Le roman est écrit à la première personne et plonge les lecteurs dans l'esprit du kamikaze qui a raté son "coup". Sa ceinture explosive n'ayant pas fonctionné, cela sonne dans la tête de Khalil comme une interrogation, un doute, mais non un renoncement. Yasmina Khadra, sans tomber dans la caricature, que ce soit pour les tristes compères du 13 novembre où pour "l'autre bord", écrit avec une verve, romanesque presque, évoquant l'état d'esprit de Khalil, son parcours social qui, aujourd'hui, interpelle dans la réalité tous ceux qui s'interrogent sur les motivations, la psychologie des auteurs des attentats kamikazes. Un sujet difficile mais que l'auteur a voulu aborder. Est-ce pour autant une commande de son éditeur ? "Je voulais montrer que le terroriste est d'abord un être humain qui n'a pas su trouver ses repères et qui a confié son destin à des gens qui ne lui voulait pas du bien". C'est là une approche particulière, soutient-il, et revendiquée comme telle : "Mes livres ayant eu pour thème central le terrorisme, ont été écrits, non pas pour troubler les esprits mais les apaiser, non pas jeter de l'huile sur le feu mais peut-être, trouver une solution" dira-t-il à l'adresse d'une lectrice qui s'interrogeait sur cette question du terrorisme islamiste et la réponse à y apporter. Yasmina Khadra voit encore dans son "Khalil" un roman devant permettre à tous les jeunes lecteurs de s'interroger sur le radicalisme, le cheminement social psychologique y menant, et peut-être, ainsi, trouver dans la littérature un moyen de mieux s'en prémunir. Quant au choix du titre "Khalil" et devant les nombreuses interrogations, le jugeant contradictoire, voire déroutant (Khalil en arabe, signifie l'ami, le confident, le proche), l'auteur répondra que "nous vivons dans un monde où toutes les valeurs sont inversées, nous vivons dans un monde d'absurdité absolue. Tout ce qui est négatif devient positif, comme quand on parle de guerre préventive. Le "Khalil" d'avant n'est plus celui d'aujourd'hui". Mais comme tout écrivain qui se respecte, Yasmina Khadra n'omet pas de dire que ce qui importe c'est l'humain et que chaque écrivain doit avoir en lui cet humanisme "ou sinon on ne peut écrire". Ces valeurs d'humanisme, et plus particulièrement, cette force d'appartenance à un peuple, à des hommes et une terre, reste essentiel, d'ailleurs Yasmina Khadra se fera interpeller par des lecteurs lui demandant à quand un grand roman sur l'Algérie, notamment sur les enfumades des grottes de Nekmaria à Mostaganem. La remarque résonnant presque comme un reproche fait à l'auteur, ce dernier ne fermera pas la porte, lui qui évoque encore les écrivains chers à son cœur comme Naguib Mahfouz, Taha Hussein, deux grandes figures de la littérature mondiale, et surtout de langue arabe, connus pour leur humanisme et leur proximité avec le petit peuple d'Egypte. D. LOUKIL