Le 25 Août 1958. Une date que nous évoquons peu ou presque plus alors qu'elle constitue un tournant décisif dans l'histoire de la Révolution algérienne. Elle correspond à l'ouverture d'un second front armé en France, il y a de cela, jour pour jour, 60 ans. "Le 10 juin 1957, Abane Ramdane avait désigné Omar Boudaoud, qui se trouvait au Maroc, responsable de la Fédération de France du FLN, lui confiant la mission de déclencher, au moment opportun, un second front armé sur le territoire français", raconte le moudjahid Mohamed Ghafir dit "Moh Clichy". Ce moudjahid, qui évoque un devoir de mémoire a été responsable de la région Nord de Paris (Clichy la Garenne) de 1956 à 1957, responsable de la Amala (super zone-W1 Paris rive gauche de 1961 à 1962) et détenu dans les prisons et camps français entre 1958 et 1961. Il nous a rendu visite hier à la rédaction pour apporter un énième témoignage sur cette date historique qui constitue, comme il a tenu à l'expliquer documents à l'appui, "un apport inestimable" à la Révolution. Il se souvient dans le détail de la genèse de l'événement qu'il a tenu à partager généreusement. "En juillet 1958, depuis Le Caire, Ferhat Abbas, s'exprimant au nom du CCE, affiche les intentions du FLN de transporter la guerre en territoire français pour la libération de l'Algérie." Il rappelle aussi que "c'est une étape qui a été d'ailleurs précédée par la création de quelques commandos de choc qui menaient des actions sporadiques mais néanmoins spectaculaires, à l'instar du célèbre attentat du 27 mai 1957 au stade de Colombes qui a ciblé le député vice-président de l'Assemblée algérienne, Ali Chekkal, farouche partisan de l'Algérie française qui a été abattu par le jeune militant Ali Bensadok, non loin du président René Coty, ce qui constitua un véritable coup d'éclat à l'instar de l'exécution du sénateur Cherif Benhabyles le 23 août 1957 par les jeunes militants Slimane Madani et Farah Guerrib". Mais selon notre moudjahid, ce qu'il faut retenir par-dessus tout c'est que les objectifs assignés à la Fédération du FLN en France lors du Congrès de la Soummam ont été concrétisés. Il s'agissait d'organiser l'émigration algérienne en Europe, de soutenir financièrement l'effort de guerre et d'éclairer l'opinion publique française et internationale. "Ces objectifs ont été réalisés grâce au sacrifice de l'ensemble des militants (hommes et femmes) et dont le nombre a atteint 300 000 (structurés). Le soutien financier au GPRA était de 80% et ainsi, ne dépendre d'aucun autre pays et arriver à convaincre que, du côté européen, beaucoup de Français militaient au sein du réseau Jeanson (porteurs de valises)", poursuit Mohamed Ghafir avec beaucoup d'émotion. Dans ses notes, il est précisé aussi que ce second front armé s'est étalé du 25 août 1958 au 30 septembre de la même année avec les exploits suivants : 242 attaques qui ont pour cibles 181 objectifs économiques sur tout le territoire français, 56 actions de sabotage, 82 morts et 188 blessés et la liste est bien plus longue... Un second souffle pour la Révolution Tant que la guerre était circonscrite aux maquis algériens, la puissance coloniale était tranquille comptant sur l'usure et l'épuisement des forces de l'ALN. Mais dès lors que la Révolution a été transportée dans l'Hexagone, il y avait péril en la demeure. C'est un nouveau rapport de force qui est créé, ce qui a amené, entre autres, De Gaulle à engager des négociations sérieuses avec le FLN en vue de l'indépendance de l'Algérie. À l'appui le témoignage de Raymond Muelle, ancien officier parachutiste qui a servi en Algérie et auteur du livre 7 ans de guerre en France : quand le FLN frappait en Métropole paru en 2001, il écrit : "La situation militaire se rétablit en Algérie où le FLN étouffe chez lui, mais il transporte la guerre chez l'ennemi. C'est de là qu'il gagnera." Beaucoup de choses restent à apprendre sur la Révolution algérienne et l'histoire doit être écrite. Mohamed Ghafir dit Moh Clichy a fait son devoir de nous en transmettre une partie notamment liée au rôle de l'émigration algérienne dans le cadre du mouvement national à travers son ouvrage Droits d'évocation et de souvenance sur le 17 Octobre 1961 à Paris. Nabila SaIdoun