Si les Etats-Unis ont inventé le slogan de "l'axe du mal" pour désigner les pays cherchant à se procurer les armes de destruction massive, Louisa Hanoune trouve, en les partisans de la "continuité" et du "statu quo", l'"axe du mal" de l'Algérie et dont les agissements sont "porteurs" de risques de "somalisation" du pays. Dans une allocution à l'ouverture de la session ordinaire de la réunion du bureau politique de son parti hier à Alger, Louisa Hanoune a estimé que la continuité en faveur de laquelle plaident les partisans du statu quo, dont les partis du pouvoir et leur clientèle, ainsi que les imposteurs, signifie la mort de l'Algérie. "Nous constatons que les partisans du statu quo, leur clientèle et les imposteurs se sont mis en mouvement, comme un rouleau compresseur, sous le couvert de la continuité, et soutenus par les prédateurs responsables de la crise (…) Seul compte leur intérêt même si ça doit être au détriment de l'Algérie", a observé Louisa Hanoune. Mais en aucun cas, elle ne cite Bouteflika, ni n'évoque l'éventualité d'un cinquième mandat. Selon elle, la "continuité" signifie la "poursuite de la prédation", la propagation de la corruption avec ce que cela suppose comme menace sur l'Etat. "De quelle continuité parlent-ils ? Transfert de millions de devises à l'étranger ? La surfacturation estimée à 18 milliards de dollars ? La persistance du chômage ? La poursuite de la politique de désertification à l'origine de la ‘harga' ? L'étouffement des communes ?", a-t-elle égrené sous forme d'interrogations. Elle ne manque pas d'ironiser également : "La continuité dont ils parlent, c'est la poursuite de la prédation du foncier, la domination de l'oligarchie (…) Elle signifie la liquidation de tous les acquis de l'indépendance, la liquidation des attributs de la souveraineté. Le maintien du statu quo a un coût à payer aux puissances étrangères. La continuité dont ils parlent, c'est le détricotage des missions de l'Etat, davantage d'affaiblissement de notre politique étrangère. La continuité, c'est la mort de l'Algérie à travers la poursuite de politiques qui ont échoué." Pour la première responsable du PT, l'Algérie traverse la pire crise depuis l'indépendance. "C'est l'étape la plus dangereuse de son histoire, une crise plus dangereuse que celle de la tragédie des années 1990", soutient-elle. En plus des marqueurs de cette crise, comme les entraves aux libertés, la paupérisation, le chômage galopant, entre autres, dans un cadre d'opacité politique, il y a aussi les enjeux liés à la situation régionale. "À cinq mois de l'élection, l'enjeu, c'est la pérennité de l'Etat à la lumière d'un délitement quotidien gangréné par la mafiotisation (…)", dit-elle, ajoutant que la "majorité refuse le statu quo, le régime étant arrivé à péremption". "Il est incapable de gouverner." Spectre de la "somalisation" Au chapitre économique, Louisa Hanoune estime, à propos de la LF-2019, que l'absence de taxes ne peut camoufler la nature du texte de loi car il concrétise "la poursuite politique de l'austérité". Outre la poursuite du gel des postes de travail, l'abattement fiscal au profit du privé, Louisa Hanoune relève l'absence de mesures pour le recouvrement des prêts et des impôts. "Ce qui prouve la complicité de certains responsables gouvernementaux avec le privé", dit-elle. Elle considère également que la mesure favorisant la vente des logements sociaux va encourager le retour des bidonvilles. "Cette politique prépare l'anarchie", dit-elle. C'est pourquoi, elle rappelle que face à ce régime, devenu un danger pour le pays, seule la mobilisation pacifique autour de revendications définies peut ouvrir des perspectives. "Il n'est pas trop tard pour inverser le cours des choses". Selon elle, pour sauver l'Algérie, il faut une "rupture" avec le régime "mafieux" qui menace le présent et l'avenir du pays. "Aucun Algérien qui veut vivre dans la dignité, aucun patriote ne saurait souscrire à la démarche de continuité car porteuse de somalisation de l'Algérie." "Chacun est responsable de la position qu'il doit prendre. C'est pour cette raison que le PT s'est engagé dans une campagne en faveur de l'élection d'une Assemblée constituante." "Les syndicats des travailleurs et des étudiants sont devant une responsabilité historique pour organiser la mobilisation aidés par des partis propres et progressistes. Les partis responsables de la faillite, de la décomposition sociale et obstacles à la démocratie ne peuvent faire partie de la solution", conclut-elle. Karim Kebir