Le rapport du développement humain de cet organisme onusien émet également des réserves sur l'efficacité de la lutte contre la corruption dans notre pays. Publié en avril dernier, le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sur l'évolution des libertés individuelles et collectives dans le monde arabe pour l'année 2004 a fait l'objet, hier, d'une présentation à l'hôtel El-Djazaïr. Cet exposé effectué par M. Marc Destanne de Bernis, coordinateur du bureau du Pnud à Alger, et M. Abdelwahab Rezig, directeur de la commission économique des Nations unies pour l'Afrique et l'un des rédacteurs arabes du rapport, a suscité un grand débat auprès de l'assistance, composée de journalistes, de cadres de la représentation de l'ONU dans notre pays ainsi que de militantes de quelques ONG nationales. Dite du développement humain, l'expertise du Pnud est la troisième d'une série entamée en 2002. Après avoir planché sur le degré d'accès des populations arabes au savoir, les experts onusiens se sont penchés l'année dernière sur un sujet beaucoup plus délicat, touchant au domaine des libertés individuelles et collectives. La sensibilité d'une telle problématique, perçue comme taboue par les régimes arabes, a conduit la majorité d'entre eux à rejeter l'audit du Pnud. Sur 22 pays, 5 uniquement ont accepté de se faire inspecter. Il s'agit de l'Algérie, du Maroc, du Liban, de la Palestine et de la Jordanie. Commençant par invoquer des obstacles pratiques liés à la logistique et au temps, M. De Bernis a fini par avouer que “certains pays ont refusé” de participer à l'élaboration du rapport. Résultat, 25% seulement de la population de la région ont figuré dans le sondage. Ce qui a conduit à des résultats partiels. “Cette enquête n'est pas exhaustive. Il faut la prendre avec les précautions d'usage”, avertit le coordinateur du bureau du Pnud à Alger. Cependant, cette remarque ne s'applique guère aux 5 pays ayant accepté le jeu des questions-réponses. Si la Palestine représente un espace spécifique de non-droit, compte tenu de l'occupation israélienne, les quatre autres contrées se distinguent toutes, à des degrés divers, par une régression affligeante des libertés collectives. Selon le professeur Rezig, ce recul se manifeste à travers la limitation de la liberté d'expression, les attaques contre les défenseurs des droits de l'Homme, l'atomisation de l'opposition politique… Mieux classée que le Liban et moins lotie que le Maroc, l'Algérie a obtenu de nombreux mauvais points. Limitation de la liberté des organisations professionnelles, syndicales et religieuses, repli dans le droit de réunion et de structuration, réduction du rôle des formations politiques de l'opposition, remise en cause de la liberté de la presse, restriction du pouvoir des électeurs dans le choix des élus locaux et parlementaires à travers des élections libres et équitables, dépendance de la justice, atteinte aux droits des justiciables, inefficacité de la lutte contre la corruption, telles sont pêle-mêle les réserves émises par le Pnud sur la situation des libertés collectives dans notre pays. Ces critiques contrastent avec le constat plus satisfaisant qu'il fait sur la consolidation des droits individuels, notamment à travers la promotion de l'égalité des sexes, du droit à la nationalité, au mariage… Au niveau socioéconomique, le relèvement du revenu par habitant ainsi que l'encouragement de l'initiative économique figurent comme des avancées menues. Dans ce tableau gris, le professeur Rezig décèle toutefois des notes d'espoir. L'intérêt exprimé par les autorités algériennes au contenu du rapport et son adaptation par le Conseil national économique et social (Cnes), sous une forme similaire, le confortent dans son appréciation. Il est utile de préciser que cette expertise est le fruit d'un travail de consultants externes au Pnud. Ils ont été choisis parmi les intellectuels arabes. L'année prochaine, l'institution onusienne publiera un quatrième rapport sur l'autonomisation des femmes. Sans l'adhésion de tous les pays arabes, le constat risque une fois encore d'être incomplet. Samia Lokmane