Sitôt la marche empêchée, les manifestants se sont retrouvés à la place Saïd-Mekbel de la ville où une prise de parole a été improvisée pour permettre aux militants d'exprimer leur réprobation contre le dispositif policier mobilisé pour réprimer une manifestation pacifique. La marche des libertés prévue, hier, à Béjaïa, à l'appel du Collectif citoyen pour la libération de l'ensemble des détenus d'opinion, dont le blogueur Merzoug Touati, en détention à la prison de Blida, a été violemment réprimée par les services de police, lesquels ont procédé à des dizaines d'arrestations parmi les manifestants. Dès les premières heures de la matinée, un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé au niveau du campus de Targa-Ouzemour, point de départ de la manifestation, a-t-on constaté sur les lieux. Dès que les premiers manifestants ont commencé à converger vers le point de départ de la marche, à 10h, les services de sécurité ont donné l'assaut pour empêcher le démarrage de la manifestation, en opérant des arrestations tous azimuts. Des dizaines de manifestants, dont de jeunes étudiantes, ont été appréhendés avec force par les services de sécurité, avant d'être embarquées dans des fourgons cellulaires vers le commissariat central. Parmi les manifestants arrêtés, on note, entre autres, Yanis Adjlia, ainsi qu'un autre membre du Collectif citoyen de Béjaïa, organisateur de la marche, le journaliste Abdou Semmar et la présidente du Congrès mondial amazigh, Kamira Naït Sid. Le responsable du journal électronique Algérie Part sera, selon une source sécuritaire, le premier à être libéré sans être auditionné. Après "la rafle" des services de sécurité, le mot d'ordre a été donné par les manifestants pour un rassemblement à la place de la liberté d'expression Saïd-Mekbel. Prévue initialement comme point de chute de la marche des libertés, cette place devait également abriter un rassemblement suivi d'une prise de parole. Vers 13h, des grappes de manifestants ont investi la place Saïd-Mekbel pour y tenir un rassemblement. En effet, ils étaient des dizaines de manifestants "téméraires" à braver la menace de leur arrestation éventuelle. On note la présence des députés Athmane Mazouz (RCD) et Khaled Tazaghart et de tant d'autres militants issus de partis politiques de la mouvance démocratique, des artistes, des animateurs associatifs et des citoyens anonymes épris de liberté et de justice. À l'issue de ce rassemblement, plusieurs militants se sont relayés au micro pour exprimer, tour à tour, leurs opinions. "Je suis ici pour dénoncer les violations commises par le pouvoir à l'égard des conventions internationales pourtant ratifiées par notre pays. La place du journaliste n'est pas en prison", a lancé au micro Mme Zoubida Assoul, en s'exprimant en tant qu'avocate de la défense des journalistes et des artistes emprisonnés, et non pas en sa qualité de chef de parti, comme elle l'a bien souligné. "Je suis là aussi pour défendre toutes les libertés démocratiques", a-t-elle soutenu. Les représentants des bureaux de la Ligue de défense des droits de l'Homme des wilayas de Tizi Ouzou et d'Alger et d'Amnesty International en Algérie se sont succédé à la tribune pour déclarer leur soutien à cette action et appeler substantiellement à d'autres actions de rue afin de "ne pas abdiquer devant la répression aveugle du pouvoir". Pendant les interventions, certains manifestants arrêtés avant l'entame de la marche ont rejoint le lieu du rassemblement après leur libération par la police. "Que le pouvoir honore son engagement de respecter les conventions internationales qu'il a, lui-même, ratifiées. (…) Et d'en finir avec l'abus de pouvoir", a déclaré, de son côté, la présidente du CMA après sa remise en liberté. "Je suis venue de Paris pour manifester mon soutien à la mère éplorée de Merzoug Touati et de tous les détenus d'opinion", clamera cette représentante de l'Association franco-berbère, venue de Paris. À noter que les différents intervenants s'accordent à dire qu'il est vraiment temps de dépasser leurs divergences politiques et de s'unir pour la défense des libertés démocratiques chèrement acquises. C'est dans cette optique qu'ils ont tous appelé pour d'autres marches pacifiques à l'avenir afin de "préserver ces acquis arrachés de haute lutte". Enfin, il y a lieu de signaler que tous les manifestants arrêtés ont, selon une source sécuritaire, été relâchés après leur audition. L. OUBIRA