La croissance des salaires dans le monde l'an dernier n'a jamais été aussi faible depuis la crise financière de 2008. Dans son dernier rapport sur l'évolution des salaires dans le monde, l'Organisation internationale du travail (OIT) constate une faible progression des revenus en Algérie sur la période 2017-2018 après une croissance négative sur les deux années 2015 et 2016. Selon le rapport de l'OIT, publié hier, la croissance des salaires réels en Algérie a été négative sur les deux années 2015 et 2016, respectivement de -1,0% et -4,4%. Les deux années précédentes ont été marquées par une hausse de 10,1% en 2013 et de 1,8% en 2014, avant qu'un mouvement baissier ne vienne remettre en cause cette évolution positive qui s'était traduite, durant 2012, par une progression de la masse salariale et le resurgissement des tensions inflationnistes, dont le taux flirtait dangereusement avec les deux chiffres. La détérioration des positions financières internes et externes, dans le sillage de la dégringolade des cours du brut sur le marché international, est venue remettre en cause les cadeaux salariaux que distribuait l'Exécutif depuis 2010. L'évolution négative des salaires réels durant 2015 et 2016 s'explique par une croissance qui amorçait un mouvement baissier, accentué en 2016 par la coupe de 16% dans le budget d'équipement, voire par la politique des restrictions des importations, ainsi que par la faible productivité qui culminait à peine au-dessus de 0%. Le salaire moyen réel en Algérie était de 39 901 DA en 2016, lit-on dans le rapport 2018-2019 de l'Organisation internationale du travail, agence de l'ONU. Sur la période 2017-2018, la progression des salaires est repassée au vert, mais reste faible, faute d'une croissance et d'une productivité capables de compenser l'effet inflationniste. La croissance salariale réelle en 2017-2018, c'est-à-dire corrigée par l'inflation, n'a été que de 1,7%, la seconde meilleure performance en Afrique du Nord après l'Egypte, où la progression était de 3,3% sur la même période. L'Algérie est talonnée par le Maroc qui a connu une augmentation salariale de 1,6%, suivie de la Tunisie avec, au tableau, une croissance des revenus limitée à 1,4%. Cette évolution trop lente en Algérie sur la période 2017-2018 s'explique par la croissance léthargique, durement affectée par les conséquences du contrechoc externe de 2014, ainsi que par une productivité tombée à son plus bas niveau. Une hausse des salaires sans contrepartie productive serait porteuse de risques inflationnistes, alors que, au plan de l'emploi, l'Exécutif a opté pour le gel des recrutements et des promotions dans la Fonction publique sur la période 2017-2019, exception faite de la santé et de l'éducation. L'incertitude qui pèse sur les finances publiques, dont l'équilibre tient non seulement à la rentabilité du Brent, mais aussi à l'action du gouvernement, inciterait le gouvernement à resserrer sa politique budgétaire et sociale. Dans son dernier rapport sur la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan, le FMI a prévu un retour dès 2019 "à un rééquilibrage budgétaire rigoureux". Ses experts ont estimé également que "la contraction budgétaire prévue pour les années à venir va probablement se traduire par un ralentissement marqué de la croissance non pétrolière sur le moyen terme". Ces prévisions pourraient peser dans les futurs arbitrages du gouvernement. Le coût social de la crise pourrait grimper d'un cran avec, comme conséquences probables, la hausse du chômage et le ralentissement de la croissance des revenus. Ali Titouche