Les bénéficiaires se plaignent de la qualité des finitions des logements. La peinture est à refaire. Plusieurs bénéficiaires se plaignent du problème d'étanchéité guère résolu à ce jour… L'année 2018 a été marquée par la livraison de près de 200 000 logements en bonne partie sous les formules AADL et LSP, en trois grandes opérations célébrées en grande pompe par les pouvoirs publics, au point de qualifier 2018 d'année du logement. Mais quelles sont les réalités sur le terrain de cette remise des clefs à des dizaines de milliers de bénéficiaires ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes rendus dans plusieurs sites AADL et LSP. Les opérations de distribution des logements ont été effectuées, notamment en mai, juillet, août et fin octobre 2018. À Rahmania, "Kabanys" – un site de 800 logements AADL où 200 postulants viennent juste de recevoir les clefs (livraison du samedi 27 octobre dernier), selon des bénéficiaires qui étaient sur les lieux et qui étaient en train de s'organiser en association – ces nouveaux copropriétaires nous ont indiqué que les logements qu'ils ont réceptionnés n'avaient ni gaz, ni eau, ni électricité. Des appartements inhabitables en quelque sorte. En sus, dans ce lieu situé à 7 km de la nouvelle vile de Sidi Abdallah à Mahelma, les commodités sont absentes. Point d'école, juste quelques salles de classes à une centaine de mètres du site, point de collège, point de stade, point de terrain de sport. Les locaux commerciaux au sein du site sont fermés. Quasiment aucune infrastructure d'accompagnement. Juste de petits espaces de jeux pour les enfants. Le problème de scolarité des enfants se pose avec acuité. Une bénéficiaire raconte qu'elle reste enlisée dans une difficulté de transfert que l'académie refuse de signer. Le problème de transport n'est pas réglé totalement. Le projet de la petite gare prévue à une centaine de mètres du site attend depuis plusieurs années sa livraison. La réception de la structure permettrait de soulager ces habitants, puisqu'ils bénéficieront de la nouvelle ligne ferroviaire Zéralda-Birtouta pour rejoindre Alger-centre en trente ou quarante minutes. En dépit de toutes ces difficultés, ces bénéficiaires du programme 2001-2002 dans ce lieu presque perdu étaient tout de même contents de recevoir leurs logements mieux construits que ceux du site très éloigné de Zaatria, considérés comme de mauvaise qualité. Une sorte de fatalité qu'oblige plus de 17 ans d'attente. Rien à voir avec les logements AADL de la nouvelle ville de Sidi Abdellah. Le long du boulevard Ben-Bella que nous longeons, nous apercevons des dizaines de commerces, plusieurs restaurants, des cafés, une poste, une agence bancaire, une agence d'Algérie Télécom, un poste de police, une supérette. Mais là aussi la nouvelle agglomération a ses limites. Le local qui abrite la seule boulangerie de la ville est fermé. Pourtant, la ville compte déjà 11 000 logements de type AADL, soit un minimum de 50 000 habitants. Un "cocktail" de tours de 15 étages et de bâtiments de 5 et 9 étages, un ensemble de sites de 1 500 à 2 000 logements chacun forment cette nouvelle ville. Nous nous rendons plus au sud. Le site est composé de plusieurs tours de quinze étages construites par une société chinoise, classées par lettres alphabétiques A, B, C, D. Là nous découvrons que les bénéficiaires rencontrent également de multiples difficultés. Le gaz est également absent. Un bénéficiaire dans la soixantaine marque sa déception. "J'aurais aimé recevoir le logement il y a dix-sept ans, quand j'étais plus jeune, quand je n'avais pas les cheveux blancs." Il affirme que des habitants de ces tours ont dû payer 30 à 40 millions de centimes pour refaire la peinture, des travaux dans la cuisine à cause des mauvaises finitions. Le problème de scolarité se pose. Sur cinq lycées prévus dans la nouvelle ville de Sidi Abdallah, seul un a été ouvert. Les autres sont en cours de réalisation. Du coup, une bonne partie des habitants de la nouvelle ville de Sidi Abdallah ont inscrit leurs enfants soit au lycée de Mahelma, éloigné, soit dans les établissements non loin des logements leurs parents ou de leurs frère ou sœur à Alger. Dans cette nouvelle ville, point également de centre culturel, de terrains de sport, de marché, de polyclinique. Selon un bénéficiaire, l'accès à l'internet se pose également. Des cités-dortoirs à Sidi Abdallah Plus au nord, les quartiers construits par une société turque sont classés par numéros 28, 29, 33, 34. Sur l'un des sites, le président de l'association des postulants de 2001-2002, Hamid Rekkas, nous apprend que le gaz est également inexistant. Depuis mai 2018, date de remise des clefs, les bénéficiaires de ces logements attendent le raccordement au gaz pour pouvoir enfin habiter leurs appartements. Nous sommes encore en présence de logements inhabitables. Nous nous rendons au quartier 28-29 livré en juillet dernier. Même topo pour le gaz. Des copropriétaires se plaignent de la qualité des finitions des logements. La peinture est à refaire. Plusieurs bénéficiaires se plaignent du problème d'étanchéité guère résolu à ce jour. Dans tous ces sites qui forment la nouvelle ville de Sidi Abdallah, nous assistons au spectacle de dizaines et de dizaines de locaux commerciaux fermés. Aux alentours de la nouvelle ville de Sidi Abdallah, des milliers de logements sont en construction. Sur les hauteurs de la nouvelle ville, ce sont 5000 logements qui sont en cours de réalisation. Certains immeubles connaissent un taux d'avancement élevé. Ils pourraient être livrés dans un an, selon un travailleur rencontré à l'entrée du site. Ils sont destinés aux postulants de 2002 et à ceux de l'AADL 2. À Sidi Bennour, ce sont 6000 logements qui sont en construction. Le DG de l'AADL qui nous reçoit au siège de cette agence reconnaît cette absence de raccordement au gaz ou à l'électricité, l'absence d'eau dans certains sites. Ces problèmes relèvent de Sonelgaz (gaz et électricité) et de Seaal. En moyenne, il faut selon une source bien informée quatre à cinq mois pour que ce problème soit réglé. Dans le cas des sites visités à Sidi Abdallah, cela peut prendre six mois, voire huit. Le DG de l'AADL impute ce problème à la pénurie de détendeurs durant une période, dans des cas à l'absence de contrat liant le bénéficiaire à Sonelgaz ou à Seaal. Il promet que pour les bénéficiaires, notamment des quartiers construits par les Turcs et réceptionnées en mai 2018, que le problème de gaz sera réglé dans une quinzaine de jours. Cinq à six mois d'attente pour le raccordement d'un logement à l'électricité et au gaz Finalement, tout se passe comme si le temps s'était figé. Les mêmes difficultés dans l'accès aux logements connues en 2004, 2005, 2006 par les postulants du programme 2001 se posent aujourd'hui : cinq ou six mois d'attente pour voir le logement raccordé au gaz et à l'électricité, problèmes de finitions, problème d'étanchéité. Presque le même topo à la cité LSP, non loin de Aïn Malha à Birkhadem. Là, nous sommes face à deux réalités diamétralement opposées. Le site abritant 700 logements a été décomposé en deux parties. La première compte 500 logements complètement achevés, livrés par un promoteur privé il y a deux ans. En se rendant sur ce lieu, nous sommes agréablement surpris par l'aspect esthétique de ces constructions. De jolis bâtiments ont été érigés. La présence de locaux de commerce modernes agrémente le décor. L'ensemble de ces logements a été raccordé à l'eau, à l'électricité et au gaz. L'autre partie du site qui abrite 200 logements confiés à un autre promoteur privé est toujours en chantier. Pourtant, les deux chantiers ont démarré en 2011. Dans la seconde partie, si la totalité des logements ont été achevés, par contre les travaux se poursuivent toujours pour les locaux commerciaux et ceux devant abriter des agences de l'Etat. Nous entrons dans l'un des bâtiments. Là, nous constatons que les ascenseurs placés n'ont pas été mis en service alors que les clefs des appartements ont été remises il y a sept mois. Là où la situation est catastrophique, c'est bien la tour qui abrite une quarantaine de logements. Là, une locataire accostée dans les escaliers nous apprend que le gaz n'alimente pas encore son appartement et que l'ascenseur n'est pas encore installé dans ce bâtiment de 12 étages. L'immeuble en chantier s'avère dangereux pour les enfants. À chaque palier, le visiteur peut constater un grand espace vide réservé à l'ascenseur. Pas de clôture. Du coup, si les enfants s'amusent à jouer imprudemment dans ces lieux, ils risquent une chute mortelle. Dans un autre appartement de la tour, des carreleurs s'affairent à changer la dalle de sol, le carrelage. Nombre des locataires dans cette tour sont en train d'aménager leur logement. En l'absence de gaz, ils n'habitent pas pour la plupart leur logement. Pour les locaux, le vitrage n'est pas encore placé. Et le parking souterrain n'est pas encore prêt. En un mot, il est encore en chantier. Toutes ces difficultés s'expliquent par la précipitation avec laquelle ces constructions ont été achevées. Il fallait livrer au plus pressé, quitte à donner les clefs d'appartements sans le minimum de commodités (gaz, eau, électricité, ascenseur…) et sans que les équipements d'accompagnement soient prêts. Pour des raisons politiques. À l'approche de l'élection présidentielle, il fallait livrer le plus grand nombre de logements pour satisfaire cet électorat qui peut peser sur les résultats du scrutin. Ce calcul politique court terme oublie que ces nouvelles cités-dortoirs, si elles ne sont pas réaménagées pour les rendre plus vivables, risquent d'être des bombes à retardement. K. R.