La politique de santé publique semble avoir atteint un seuil alarmant dans la wilaya de Béjaïa. En continuel déclin, ce secteur névralgique n'est guère au centre des préoccupations des pouvoirs publics, qui affichent une indifférence aussi étrange qu'inquiétante. Des centres de santé à l'abandon, des services hospitaliers dépourvus de moyens matériels, la pénurie des produits pharmaceutiques, des équipements médicaux et radiologiques en panne, un manque flagrant de personnels médical et paramédical, la dégradation du climat de travail, des conditions d'hygiène et de sécurité, le déficit en structures d'accueil, des projets en souffrance… Autant de signes évocateurs du malaise profond qui ronge le secteur de la santé à Béjaïa. Si les responsables du centre hospitalo-universitaire (CHU) Khellil-Amrane se plaignent à chaque fois de l'exiguïté des structures existantes, ceux de la Direction de la santé et de la population (DSP) de Béjaïa préfèrent s'emmurer dans un silence assourdissant en s'enfermant dans leur tour d'ivoire. En effet, plus d'une année après sa nomination à la tête de la DSP de Béjaïa, Mohamed Toufik Khellil feint d'ignorer la gravité de la situation dans laquelle baigne son secteur. Se contentant d'une gestion "palliative", l'actuel DSP de Béjaïa brille par son absence remarquée sur le terrain. Selon une source proche de la DSP, ce dernier n'effectue point de visites d'inspection dans les structures relevant de son secteur en vue de s'enquérir des vrais problèmes auxquels sont confrontés les malades de la région. Pis encore, aucune activité scientifique ou journée d'étude médicale n'a été initiée par la DSP depuis l'arrivée de M. Khellil à Béjaïa. Quant à la communication institutionnelle, c'est le black-out total. Pas de communiqués, ni de conférences de presse, encore moins de cellule de communication. Bien que celle-ci ait déjà existé au temps du Dr Mohamed Mansouri (entre 2000 et 2003). Des EPH et des polycliniques à l'agonie Il faut souligner que les quatre établissements publics hospitaliers (EPH) que compte la wilaya de Béjaïa, situés à Akbou, à Sidi Aïch, à Amizour et à Kherrata font face à des insuffisances non moins négligeables, dont les conséquences ne sont pas anodines. Parmi les carences dont souffrent ces hôpitaux, on notera le manque flagrant de personnels médical et paramédical, notamment les praticiens spécialistes (radiologues, gynécologues, cardiologues, pédiatres, chirurgiens…). Pour preuve, les quatre EPH disposent de scanners acquis à coups de milliards, mais ne sont pas exploités à temps plein, en l'absence de médecins radiologues. Ce qui contraint les patients de la région à se rabattre sur les centres d'imagerie médicale relevant du secteur privé, lesquels affichent des prix exorbitants. Par exemple, pour une simple échographie, il faudra débourser pas moins de 2 500 DA, un scanner coûte entre 4 000 et 8 000 DA, alors qu'une IRM dépasse les 15 000 DA. Si les EPH souffrent du manque de radiologues, les polycliniques ne disposent même pas de moyens rudimentaires pour soulager un tant soit peu les malades reçus aux urgences médicales. C'est le cas de la polyclinique Abdelkader-Azil de la daïra d'Ifri Ouzellaguen, qui assure la couverture sanitaire d'une population estimée à 25 000 âmes, mais aussi de celles des communes avoisinantes. Rattachée administrativement à l'établissement public de santé de proximité (EPSP) de Seddouk, cette polyclinique est dépourvue des moyens tant humains que matériels. En effet, outre le déficit en matière de personnels médical et paramédical, notamment de médecins spécialistes et chirurgiens, elle souffre de l'absence d'un service d'analyses médicales, alors que l'appareil de radiologie est en panne depuis le mois de février passé. L'unique médecin de garde exerçant au niveau du service des urgences se voit souvent contraint d'orienter les malades nécessitant des bilans médicaux et autres examens radiologiques vers l'hôpital d'Akbou et les établissements privés de santé. Des projets en souffrance Plusieurs projets relevant du secteur de la santé inscrits à l'indicatif de la wilaya de Béjaïa sont à la traîne. La réalisation de certains d'entre eux connaît un grand retard, tandis que d'autres n'arrivent même pas à voir le jour. Parmi les chantiers qui piétinent, on peut citer les deux hôpitaux de 60 lits chacun, implantés à Tazmalt et à Souk El-Tenine. Les travaux de réalisation de ces deux nouveaux équipements publics, tant attendus par la population locale, s'éternisent. L'actuel wali de Béjaïa, Ahmed Maâbed, a, d'ailleurs, instruit récemment, lors de ses visites de travail sur le terrain, les entreprises en charge d'exécution des travaux au niveau de ces deux chantiers. Un autre projet aussi important que la DSP devrait réaliser est celui d'un centre de consultation multidisciplinaire prévu au niveau de l'ancien marché couvert de la cité Eucalyptus (dite 27), situé derrière le groupement de la Gendarmerie nationale de Béjaïa. À noter que ce bien immobilier a fait l'objet d'une cession au profit du secteur de la santé, sur délibération de l'ancienne Assemblée populaire communale (2012-2017), laquelle s'est, également, engagée à dégager une somme de dix milliards de centimes pour ce projet d'utilité publique, dont la réalisation nécessite un montage financier. Outre les consultations spécialisées qui se font actuellement au niveau des deux polycliniques d'Ihaddaden et de Sidi Ahmed, ce centre médical devra abriter un laboratoire d'analyses médicales et un service de radiologie, affirme-t-on. La concrétisation de cet ambitieux projet vise à désengorger les deux polycliniques de la ville de Béjaïa, ce qui leur permettra de retrouver leur vocation initiale, à savoir la prise en charge et le suivi psycho-médical (consultation, vaccins, conseils, orientation…) des parturientes et de leurs enfants (protection maternelle et infantile). Enfin, le projet de centre anti-cancer d'une capacité d'accueil de 140 lits, prévu à Amizour, semble également renvoyé aux calendes grecques. Nous apprenons que les responsables de la DSP de Béjaïa viennent de lancer un deuxième avis d'appel d'offres après l'infructuosité du premier. K. Ouhnia