Le poète, critique littéraire et chroniqueur Youcef Merahi a publié aux éditions Apic une réédition de son recueil de poésie Nuits, inspiré de la célèbre histoire d'amour entre Qaïs et Leïla ou Majnoun et Leïla (Le fou et Leila), socle de la littérature perse et moyen-orientale. Empruntant également aux Mille et une nuits de par l'organisation chronologique de ces poèmes, qui sont ici au nombre de cent un (101), Merahi rend hommage à la littérature moyen-orientale, à l'amour, la passion et l'abnégation. "La caresse confisquée au détour du rêve/indique à mes doigts l'(im)patience de la chair/Layla, toi ! Source de l'Agneau, fable ! / Avance vers ma timidité, propulse-moi." Ou des malheurs de l'amour, qui fait souffrir, endolorit et tue à petit feu : "Larmes, esseulement, tentation, cancer/insolence de la mémoire/estomac noué à tes doigts/ Langueur, lourdeur, retard d'Elle, elle avance/À présent poète, cadenasse ton cœur et barbèle amours." Par ailleurs, Merahi dédie plusieurs de ces poèmes à des personnalités et hommes et femmes de lettres, à l'image de Jean Sénac auquel il rend hommage au travers du poème Nuit 67, où il déclame ces vers emplis d'amertume, voyant l'union avec sa Layla s'éloigner davantage. "Le poète assis, trois verres de thé à ses pieds, cria : Layla (…) Il sera l'obsession des hommes et le cauchemar des femmes ; Ton nom abolira la durée/Aux poètes qui chantent Layla, Nuit de sang : Allez votre chemin, pauvres diables." À Hamid Nacer-Khodja, à sa mère, à Djamel Amrani, à André Miquel ou encore le chanteur Mohamed Marocain, il réunit les plus belles plumes, d'hier et d'aujourd'hui, autour de l'amour et ses secrets. Comme pour graver à tout jamais les lettres de ce prénom qui a fasciné tant de poètes et d'écrivains à travers les siècles, Youcef Merahi met au début de chaque vers de ces cent un poèmes, les lettres "L, I, L et A" pour former le prénom "Lila", au cœur même de cette versification vacillant entre sensualité désespérance. Un autre art se joint à ce beau recueil, qui fait frémir les sens et laisse libre cours à une imagination foisonnante. Les dessins du journaliste et artiste Tighilt Kocila, diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Azazga, accompagnent aussi simplement que joliment la verve poétique de Merahi. "Organiques", presque d'un seul trait. Symboles renvoyant souvent à notre héritage culturel, guitares, formes géométriques, femmes et enfants reviennent fréquemment sur ces pages aux effluves fougueux. À la fois discrets et complémentaires, ces coups de crayon du dessinateur ne font plus qu'un avec le poème. "Les personnages, explique Tighilt, accèdent au dessin comme pour y vivre. Il devient un refuge pour eux, de même pour les mots, qui trouvent un espace de vie dans ces traits semi-figuratifs." Un personnage féminin, à la bouche cousue, est aussi omniprésent et symbolise cet être en souffrance, qui ne peut crier pour évacuer sa détresse. Yasmine Azzouz Nuits de Youcef Merahi, éditions Apic, 500 DA, 2018.