En contrepartie d'une trentaine d'accords et de contrats commerciaux, pour près d'un milliard d'euros, Paris ferme les yeux sur les droits de l'Homme bafoués en Egypte. Emmanuel Macron avait promis d'évoquer plus ouvertement la situation des droits humains, sur lesquels l'Egypte est souvent décriée pour ses violations en la matière. Mais le Président français s'est limité hier au Caire à dire en conférence de presse que "la stabilité et la paix durable vont de pair avec le respect des libertés de chacun et d'un Etat de droit", et que "la stabilité et la sécurité du pays ne sauraient être dissociées de la question des droits de l'Homme". Et pourtant, la veille, il déclarait sur le sujet des droits de l'Homme en Egypte, "les choses se sont empirées depuis octobre 2017 de manière très claire". "Il n'y a pas de silence, la question des droits de l'Homme sera évidemment évoquée, y compris publiquement, lors de la visite, lors des différentes rencontres avec à la fois l'évocation de cas individuels et l'évocation de dossiers législatifs et systémiques", affirmait la veille l'Elysée à l'agence Reuters. "Nous sommes préoccupés par la situation actuelle et le président est tout à fait prêt à le dire à son homologue, Abdel Fattah al Sissi". C'était loin d'être le cas hier lors de la conférence de presse animée par les deux présidents, si ce n'est juste des déclarations de circonstances pour éviter de froisser Abdel Fatah al-Sissi, qu'il avait déjà ménagé en octobre 2017 à l'occasion de sa visite à Paris. Il ne pouvait pas en être autrement sur cette question sensible des droits de l'Homme, même si cela avait provoqué l'indignation des associations, car depuis l'arrivée au pouvoir du maréchal en 2014, la situation dans le pays ne cesse de se dégrader, selon les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'Homme. "Au moins 60 000 personnes depuis l'arrivée de Sissi ont été soit arrêtées soit poursuivies uniquement pour avoir exprimé leur opinion de manière pacifique", selon Ahmed Benchemsi, responsable du Moyen-Orient de Human Rights Watch. "19 prisons ont été construites uniquement sous ce régime, car l'afflux de prisonniers politiques était tel qu'il fallait construire 19 prisons pour les accueillir !", ajoute la même source. Tout cela ne semble pas inquiéter, outre mesure, Emmanuel Macron, qui veut renforcer à travers cette visite, qui s'achève aujourd'hui le partenariat stratégique entre la France et l'Egypte, en matière de stabilité et de sécurité dans la région. Rappelons que la France a livré récemment 24 avions de combats Rafales au Caire. D'autres commandes pourraient suivre, même si aucune annonce n'est prévue lors de cette visite d'Emmanuel Macron, sans se soucier des problèmes que posent les organisations de défense des droits de l'Homme, notamment quant à l'utilisation de ces armes. Certaines auraient été détournées de leur usage premier, en l'occurrence la lutte contre le terrorisme, pour réprimer l'opposition égyptienne lors de manifestations. Dans ce cadre un rapport d'Amnesty International indique que "les armes vendues par la France sont vendues sous couvert d'opérations militaires", il a été démontré clairement que des blindés français prétendument vendus pour des opérations militaires ont, en fait, été vus dans des dispersions violentes de manifestants. Merzak Tigrine