Mahmoud Aroua, médecin-anesthésiste de profession, qui vient de publier un roman aux éditions Baghdadi, intitulé Un ange chez McDonald's, a bien voulu répondre aux questions de Liberté et revenir sur son parcours d'auteur prolifique qui aime l'écriture et qui est sans cesse à la recherche d'éditeurs et de lecteurs. Liberté : Votre dernier roman Un ange chez McDonald's ressemble beaucoup au fantastique, pourquoi ce genre et comment est venue l'inspiration ? Mahmoud Aroua : Ce qui est mystérieux, un peu fantastique, le mélange entre le réel et l'irréel fascine toujours. Le sujet du temps qui passe, les voyages à travers le temps, les destins qui se croisent prêtent à la méditation. Ils interrogent notre conscience et suscitent notre imagination. Mes écrits scrutent les émotions, les états d'âme, les sentiments face au destin, à l'univers, à l'environnement social. Les personnages des œuvres de fiction, comme Stars Wars, Harry Potter ou Twilight, gardent leur humanité avec sa grandeur et ses faiblesses même s'ils évoluent dans un monde qui nous est étranger. Dans Un ange chez McDonald's, le héros, confronté à des forces surnaturelles, réagit selon sa conscience, son intelligence… L'inspiration a de multiples sources. Elle est la résultante de tout ce que l'on a vécu, ressenti, lu, entendu dire, observé autour de soi, nos rêves, nos espérances, nos regrets. Tout cela crée une image, une idée, puis une histoire à raconter, un roman. À l'origine de mon roman, il y a une scène insolite à laquelle j'ai assisté un jour dans la ville de Cologne en Allemagne, cultivée plus tard par l'imagination et concrétisée par l'écriture. Devant la porte d'un McDonald's, une jeune fille déguisée en ange a attiré mon regard. Elle faisait partie de ces artistes qui prennent la pose sur les places publiques et se font photographier par les touristes moyennant quelques pièces de monnaie. À ce moment précis, le titre m'est venu à l'esprit. "Un beau titre de roman !", ai-je pensé alors. Et ce n'est que deux ou trois ans plus tard que j'ai commencé à imaginer le roman de cette jeune fille déguisée en ange. Ce roman a d'abord été publié chez Edilivre, puis Baghdadi… Effectivement, mais il faut savoir que je l'ai d'abord proposé à plusieurs maisons d'édition algériennes. Entre les réponses négatives et les réponses qui n'arrivent pas du tout, les mois et les années sont passés. C'est alors que j'ai tenté l'édition alternative en France (Edilivre) qui publie à la demande en version numérique ou sur papier. L'ouvrage n'étant disponible que sur les réseaux sociaux mais ayant reçu un accueil favorable auprès des lecteurs, j'ai alors décidé de lui donner une seconde chance en Algérie (naturellement avec l'accord d'Edilivre). Convaincre les maisons d'édition algériennes de l'intérêt des jeunes lecteurs pour un roman d'aventures, d'émotions, de rêves et de suspense exige beaucoup de persévérance. Au bout de deux ans, les éditions Baghdadi m'ont ouvert leur porte. C'était un peu avant le Sila 2018, je remercie d'ailleurs M. Baghdadi Mohamed, directeur de la maison d'édition, d'avoir accepté de publier mon livre in extremis alors que son programme pour le salon était bouclé.
Pensez-vous que la lecture est assez promue ? Je pense que les médias font des efforts pour mettre en lumière le monde de l'écriture, notamment lors des salons, par des émissions télévisées ou radiodiffusées consacrées aux nouvelles parutions. Les journaux ont leur rubrique culturelle. Quelques magazines se sont spécialisés dans la littérature. L'action des médias doit être poursuivie, améliorée et enrichie. Quant à la lecture proprement dite, il est évident qu'elle suscite peu d'intérêt chez les jeunes qui, souvent, n'y ont pas été encouragés durant le cursus scolaire ou dans le milieu familial. Cependant, un vent nouveau souffle sur le monde livresque en Algérie. Même si ce n'est encore qu'une brise légère, elle est de bon augure. Des groupes de lecture se sont formés à travers les réseaux sociaux. Très actifs, ils conseillent, proposent, commentent des ouvrages, échangent leurs avis, orientent les recherches. Je consulte parfois leurs critiques pertinentes. L'avenir du livre est peut-être chez ces passionnés de la lecture. Au lecteur algérien de devenir un élément actif et d'assumer sa place dans la chaîne du livre. Il doit inciter le libraire de son quartier, son village, sa ville à fournir tel ou tel ouvrage quand celui-ci ne se trouve pas dans ses rayons. Il faut faire en sorte que le livre arrive jusque dans les patelins éloignés, fût-ce pour un seul lecteur. Qu'est-ce qui pourrait, selon vous auteur, faire aimer la lecture à l'enfant, au citoyen ? Il faut tout d'abord se rapprocher des jeunes pour connaître leurs pôles d'intérêt. Quels types d'ouvrages ils souhaitent lire ? Dans quels genres d'histoire ils aiment se projeter ? Un sondage est à faire dans ce sens. L'avènement de l'internet a quelque peu érodé l'intérêt des jeunes pour la littérature et la lecture en général, mais nous avons remarqué ces vingt dernières années que les jeunes sont de plus en plus attirés par la lecture des romans adaptés au cinéma, notamment les grandes sagas fantastiques ou romanesques (Twilight, Divergence, Labyrinthe…). Et petit à petit, leur goût pour la littérature fantastique s'élargit vers d'autres genres littéraires. La question est de savoir si les ouvrages proposés aux jeunes Algériens correspondent à leurs attentes. Si c'est le cas, sont-ils à la portée de toutes les bourses ? Si le prix du livre peut être la cause du manque de lectorat, il faut cependant rappeler que les bibliothèques regorgent d'ouvrages à l'accès gratuit. Ceci nous ramène à parler de l'enfant. Contrairement aux adolescents et jeunes adultes qui ne trouvent pas toujours chaussure à leur pied en raison d'une offre insuffisante de romans algériens, beaucoup d'ouvrages pour enfants, de bonne qualité et de production nationale sont disponibles sur le marché, tels que contes, livres pédagogiques, jeux éducatifs, etc. Pour amener le jeune Algérien à la lecture, il faudrait que les efforts tiennent compte à la fois du milieu familial et du milieu scolaire. Dans le milieu familial, c'est aux parents de susciter la passion du livre chez leur enfant en l'accompagnant, en organisant des séances de lecture. Pourquoi ne pas commencer par installer une petite bibliothèque à la maison ? Et si les moyens financiers manquent, inscrire les enfants aux bibliothèques municipales et les encourager à emprunter des livres. Dans le milieu scolaire, tout doit être réalisé dans le but de semer le goût de la lecture chez l'élève par des études de textes par exemple et la lecture critique assistée de romans et d'essais. Vous êtes d'abord lecteur, d'où vous vient cet amour de la lecture ? Je suis passionné par la lecture depuis mon plus jeune âge. J'ai vécu dans un environnement familial livresque. L'exemple de mon père, médecin, penseur, poète et écrivain, n'a pas manqué de m'inspirer. Je lisais tout ce qui me tombait entre les mains, différents types d'ouvrages : bandes dessinées, magazines, journaux, romans, revues scientifiques... Aujourd'hui, je suis plus porté sur les romans de fiction, les thrillers de divers horizons, ainsi que sur la poésie. Je peux avoir un coup de cœur pour un auteur algérien, russe ou islandais. Je m'intéresse également à l'histoire en général et l'histoire de la médecine en particulier à laquelle j'ai consacré quelques essais, dont Traitement de la douleur – de la médecine arabe à la médecine moderne (éditions Berti, 2010) ; Le cœur dans la médecine arabe (éditions Palimpseste, 2014) ou encore Anesthésie et réanimation dans l'histoire de la médecine islamique (éditions Dahlab, 2016). Y a-t-il forcément un rapport entre l'écriture et la profession de l'auteur ? Comme je l'ai déjà signalé, j'ai acquis le goût de la lecture et la passion pour l'écriture dès mon plus jeune âge, qui se sont affermis au fil des années. L'exercice de la médecine a enrichi mon imagination. La relation aux malades et l'observation élargissent notre champ de vision et exacerbent notre sensibilité qui devient un réceptacle des souffrances et des espérances humaines.