L'appel, bien qu'anonyme, à des marches contre un cinquième mandat pour Bouteflika, a eu un écho des plus favorables, hier, à Tizi Ouzou où, même si la journée du vendredi paraît peu propice à une marche populaire, plusieurs milliers de personnes ont finalement battu le pavé sur fond de slogans très hostiles au pouvoir en général et au 5e mandat en particulier. La marche qui n'a réuni que quelques centaines de personnes à son départ, vers 13h30, du portail du campus Hasnaoua de l'université Mouloud-Mammeri, n'a pas tardé à grossir et finir par se transformer en une véritable démonstration de force avant même d'atteindre le centre-ville de Tizi Ouzou. D'innombrables groupes de personnes rejoignaient la marche au fur et à mesure qu'elle avançait vers son point de chute fixé initialement à l'ancienne mairie, transformée en musée, au centre-ville. "Bouteflika y en a marre !", "Bouteflika dégage !", "FLN dégage !", "La li ouhda el khamdja" (non au sale mandat), "Pouvoir assassin", "Bouteflika-Ouyahia houkouma irhabiya", "Y en a marre de ce pouvoir", scandaient, sans relâche et, visiblement, avec beaucoup d'acharnement, les manifestants qui n'ont déployé aucune banderole mais dont le message était clair. Arrivée devant l'ancienne mairie du centre-ville, la manifestation a gagné en ampleur. Aux dires de nombreux participants, le prêche des imams, ce vendredi, sur ordre de la haute autorité religieuse, n'a pas manqué de produire un effet contraire auprès de nombreux fidèles qui n'avaient, au départ, aucune intention de prendre part à la marche mais qui ont fini par descendre dans la rue après que leur colère eut été exacerbée par ce prêche "politique" qui a qualifié de "haram" le fait de se révolter contre les dirigeants. Galvanisée et même chauffée à blanc, après ce ralliement massif, la foule composée essentiellement de jeunes et d'adolescents qui, pour la plupart, seraient nés et auraient grandi sous le règne de Bouteflika, s'est résolue alors à ne pas s'arrêter en si bon chemin et à poursuivre la marche jusqu'à la placette de L'Olivier reprenant en chœur les slogans contre ce qu'ils qualifient de "nouvelle mascarade que prépare le pouvoir pour le 18 avril prochain". À la placette de L'Olivier, la procession ne se disperse finalement pas. Elle rebrousse chemin et prend la direction du siège de la wilaya qu'elle atteint peu avant 16h. Comme depuis le début de la marche, la foule se disperse dans le calme. Aucun incident n'est venu émailler cette manifestation pacifique à travers laquelle les milliers de jeunes participants viennent incontestablement assener une véritable leçon de civisme et de pacifisme à la bête effarouchée du pouvoir et ses laudateurs qui veulent assimiler toute action de rue à une volonté de déstabiliser le pays. Il est à souligner qu'un dispositif policier discret a été déployé depuis les premières heures de la matinée devant toutes les mosquées de la wilaya, mais finalement c'est hors des mosquées que le premier noyau de manifestants s'est formé. Il ne restait donc aux services de sécurité que leurs yeux pour suivre, impuissants, les événements. Samir LESLOUS