À la mobilisation de la population qui a répondu à l'appel du mouvement Mouwatana les pouvoirs publics ont répondu par la méthode musclée : la répression. La mobilisation contre un 5e mandat pour Abdelaziz Bouteflika ne faiblit pas. La démonstration de force de vendredi dernier a failli être rééditée, hier. Ils étaient, en effet, des centaines, voire des milliers de citoyens à descendre dans la rue, hier encore à Alger, pour exprimer leur refus d'un 5e mandat pour le chef de l'Etat sortant. À l'appel du mouvement Mouwatana, jeunes et vieux se sont rencontrés place Audin à Alger-Centre pour dénoncer "un régime d'escrocs" et "un pouvoir mafieux". Ni la forte présence policière qui a quadrillé la place Audin depuis la matinée, ni les gaz lacrymogènes et encore moins les arrestations n'ont dissuadé ces citoyens de dire haut et fort leur indignation et leur rage face à un régime qu'ils ont qualifié à la fois d'"autiste" et de "voleur". Munis de pancartes sur lesquelles ils ont écrit des slogans hostiles à Bouteflika et au pouvoir, ces manifestants, des jeunes pour la majorité, étaient déjà sur place avant l'heure prévue pour le rassemblement, à savoir à 12h. Une heure à l'avance, les premiers groupes de manifestants arrivent place Maurice-Audin, parmi eux, Zoubida Assoul, membre de Mouwatana et présidente du parti l'UCP. Après un rassemblement de quelques minutes, la police a fait usage de gaz lacrymogènes contre la foule pour la disperser. C'était peine perdue pour les éléments de la police. Soufiane Djilali, coordinateur national de Mouwatana et président de Jil Jadid, arrive à la tête d'un groupe de plusieurs dizaines de manifestants, dont des militants de son parti, depuis la rue Didouche-Mourad. Encerclé par les éléments de la brigade antiémeutes, ce groupe de marcheurs n'a pas pu poursuivre sa marche vers la Grande-Poste. Devant l'entêtement des policiers, les manifestants ont rebroussé chemin afin d'improviser un sit-in à une centaine de mètres de la place Audin. "Pouvoir assassin !", "Le peuple ne veut ni Bouteflika ni Saïd", "Voleurs ; vous avez pillé le pays !", "Bouteflika le Marocain, il n'y aura pas de 5e mandat !" (Bouteflika ya lmaroki, makanch ouhada khamissa)…, tels étaient les slogans scandés à tue-tête par les manifestants durant toute la manifestation. Face à la forte mobilisation des citoyens, la police n'a pas tardé à procéder à des arrestations. Plus d'une heure après le début de l'action, des jeunes venus des quartiers voisins ont improvisé à leur tour une marche depuis les hauteurs de la rue Didouche. Ce qui a obligé la police à demander du renfort pour mieux "maîtriser" la situation et stopper les marcheurs à quelques encablures de la place Audin pour éviter la jonction entre les deux groupes de manifestants. C'est à ce moment que Zoubida Assoul a été embarquée de force dans un panier à salade et Soufiane Djilali éloigné, lui également, de force du lieu du rassemblement. Me Mustapha Bouchachi, présent sur les lieux, n'a pas échappé, lui aussi, aux gaz lacrymogènes et à l'arrestation. Devant l'ampleur de la manifestation, la police a procédé, sans ménagement, aux arrestations des citoyens. Ainsi, plusieurs dizaines de personnes ont été violemment embarquées, dont plusieurs jeunes filles. "Nous n'allons pas rentrer chez nous tant que ce régime de dictateurs n'a pas quitté le pouvoir", scandaient à tue-tête les manifestants, qui ont donné rendez-vous dans les jours à venir pour réinvestir la rue et dénoncer ce qu'ils ont qualifié "de grave atteinte à la dignité des Algériens". Il faut noter que les commerçants de la rue Didouche ont fait preuve de solidarité avec les manifestants. Avant la fin de la manifestation, des jeunes ont nettoyé les lieux. Un geste hautement salué par les présents. Mohamed Mouloudj