Des Algériens, par milliers, ont encore afflué, hier, vers la place de la République, à Paris, pour joindre leurs voix à celles de leurs compatriotes en Algérie et demander le changement démocratique dans le pays. Le même humour corrosif et cinglant, qui a mis de bonne humeur les manifestants en Algérie, était présent. Une pancarte brandie par un manifestant affichait l'image d'une boîte de camembert Président, flanquée du slogan : "Wanted". Les slogans étaient aussi plein de dérision. "Nous ne voulons pas de cachir", a, par exemple, crié un groupe de jeunes pour protester contre les pratiques clientélistes du pouvoir. Mais il y avait surtout de la joie, des youyous et de la couleur avec un défilé de drapeaux vert, blanc, rouge, flottant dans le ciel de Paris. Dans la foule, on comptait, comme à l'accoutumée, des hommes, énormément de femmes et d'enfants. Les premiers arrivés se sont massés devant des barrières érigées sous la statue de la place. De la sono fusaient des airs patriotiques et des chansons emblématiques, comme celles de Matoub Lounès. "Dommage qu'il n'ait pas pu assister à tout cela. Lui qui a milité toute sa vie pour que l'Algérie devienne une démocratie", regrette Mohand, un sexagénaire, en évoquant le Rebelle. Le rassemblement de République (le quatrième depuis le 17 février dernier) s'est déroulé en même temps que d'autres tenus à Marseille, à Rennes, à Lille, à Nancy, à Montréal et à Ottawa. Des manifestations similaires ont eu lieu, samedi, à Londres et à Nantes. Dans une déclaration, Zoheïr Rouis, coordonnateur du mouvement Mouwatana en Europe, a évoqué "un référendum à ciel ouvert qui se déroule chaque semaine en Algérie et dans le monde entier, là où se trouve la communauté algérienne". Il a ajouté que si le régime "s'entête à refuser la sentence populaire, les risques d'une déflagration pourraient tout emporter et il en portera l'entière responsabilité devant le peuple et devant le monde entier". "Nous devons justement tout faire et continuer à nous battre contre le système, et le faire partir de manière pacifique", pense plutôt Ali, un autre manifestant qui se dit fier du civisme qui distingue le mouvement populaire en Algérie. Farid Yaker, du collectif Debout l'Algérie, s'est joint, vendredi dernier, aux manifestations grandioses qui ont eu lieu à Alger. "C'était un moment historique de ferveur et de communion", décrit-il, conscient de la nécessité de maintenir la pression coûte que coûte pour faire tomber le pouvoir en place et préparer une transition vers la démocratie. Demain, le collectif Debout l'Algérie se réunira avec les autres organisations de la diaspora algérienne en France pour arrêter un nouveau programme de manifestations dans l'Hexagone. "Nous allons monter en puissance pour faire écho de la mobilisation en Algérie", fait savoir Farid Yaker. Ces dernières semaines, il a fait le tour des plateaux de télévision française, expliquant à chaque fois pourquoi ses compatriotes se sont soulevés et pourquoi ils ne veulent pas s'arrêter. Il est à noter que le rassemblement de République a été marqué par l'arrivée tonitruante de Rachid Nekkaz qui a escaladé la statue de la place pour haranguer la foule. En milieu d'après-midi, la place s'est avérée trop exiguë pour contenir les manifestants. Certains ont dû se rabattre sur les trottoirs alentour. S. L-K.