Diversions, tromperies, manœuvres, mépris, provocation…, les partis de l'opposition (RCD, PT, FFS, Talaie El-Houriat et Adala-FJD), qui ont réagi hier au dernier message du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans lequel il dit vouloir se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son mandat expirant le 27 avril prochain, n'ont pas lésiné sur les mots pour dénoncer l'entêtement du pouvoir. Ces formations rejettent, ainsi, dans le fond et dans la forme, cette nouvelle missive du chef de l'Etat, qu'elles appellent à l'unisson à se retirer de la Présidence, pour permettre l'ouverture d'une phase de transition politique destinée à sortir le pays de l'impasse actuelle. Yacine Aissiouane, chargé de communication au RCD : "C'est une manœuvre qui ne peut tromper le peuple" "Il a été longtemps autiste, aujourd'hui, c'est le peuple qui est autiste : il n'écoute ni ses messages ni ses manœuvres." En quelques mots, Yacine Aissiouane, chargé de communication au RCD, résume le sentiment de larges pans de la population au lendemain d'une nouvelle lettre attribuée à Bouteflika, et dans laquelle, il ne dissimule pas son intention de se maintenir au pouvoir et d'organiser sa conférence "inclusive", présentée comme la panacée à la crise. Le RCD, qui semble s'inscrire déjà dans l'après-Bouteflika, dénonce ce qu'il qualifie de "nouvelle manœuvre" du pouvoir et cette quête, chez les dirigeants, d'obtenir l'onction des puissances occidentales pour appuyer leur "feuille de route". "C'est une manœuvre qui ne peut aucunement tromper le peuple algérien. Sa (Bouteflika, ndlr) recherche d'une aile protectrice étrangère, qu'il a longtemps décriée, alors que tout le monde sait qu'il est géré à partir de Paris, ne peut sauver son système", soutient ce député joint, hier, par téléphone. Selon lui, les revendications des Algériens sont claires et ne souffrent aucune ambiguïté. "Le peuple exige la démission du chef de l'Etat, de son gouvernement et la dissolution des deux Chambres parlementaires." "Ce préalable donnera lieu à une transition démocratique qui va être gérée par un comité de sages qui s'engagera à ne pas se présenter aux élections et à la mise en place d'un gouvernement de technocrates qui va gérer les affaires courantes. Il sera nécessaire, ensuite, de trouver un consensus autour de la mise en place d'une instance indépendante de gestion des élections pour laisser se confronter les différents programmes des partis où le peuple, souverain, sera le seul arbitre", détaille Aissiouane. K. K.
Front des forces socialistes : "Des tentatives de diversion, voire des tromperies" Pour en finir avec la crise politique que connaît actuellement le pays, le Front des forces socialistes (FFS) préconise la tenue d'une Assemblée constituante. "L'Assemblée constituante doit être une condition sine qua non pour restituer au peuple algérien le contrôle de son destin et son droit à l'autodétermination, c'est au peuple algérien qu'il appartient de reconstruire l'Etat après 57 ans de régime autoritaire", a-t-il soutenu dans un communiqué rendu public hier et signé par le coordinateur de son instance présidentielle, Ali Laskri. Et de poursuivre : "La nouvelle Constitution, première à émaner de la volonté populaire, marquera l'avènement historique de la 2e République." Pour le FFS, l'Assemblée constituante et la 2e République sont des "revendications appuyées par la population lors des manifestations exprimant ainsi le consensus national et populaire recherché autour de ce projet". Qu'en est-il des propositions formulées par le pouvoir en place ? Elles ne sont rien d'autres que des "tentatives de diversion", voire des "tromperies" qui ne servent qu'"à faire gagner du temps pour l'organisation d'une conférence nationale du consensus qui ne fera que préserver le système". "Aujourd'hui aucune réforme ne peut être efficace ni efficiente, et ne peut provenir d'un système qui réprime les libertés, bâti sur la répression, l'injustice, la hogra, la corruption", tranche le FFS qui a tenu à saluer la mobilisation des universitaires, des étudiants(es) et des médecins, hier 19 mars, pour exiger "le changement du système, qui gouverne le pays par l'alternance clanique depuis 57 années". "La journée du 19 mars 2019, c'est la journée de notre jeunesse qui demande à construire le pays, le départ du pouvoir, un changement pacifique et démocratique, la constituante, la 2e République, la libération de l'homme comme souhaité par notre défunt président Hocine Aït Ahmed", souligne le plus vieux parti d'opposition. A. Chih
Ali Benflis, président de Talaie el-Houriat : "Un mépris insondable à l'égard du peuple" "Lorsque le moment viendra pour l'histoire de porter son jugement sur la crise du régime actuelle, la lettre du 18 mars 2019 tiendra une place à part. Cette place à part, elle la devra, tout à la fois, au mépris insondable dont elle témoigne à l'égard du peuple algérien et aux périls grandissants qu'elle continue à entretenir s'agissant de la stabilité du pays et de la préservation de l'Etat national", a dénoncé, hier, le président de Talaie El-Houriat, Ali Benflis. Et de poursuivre : "Aux yeux du peuple algérien, la lettre du 3 mars a été ressentie comme une provocation. Celle du 11 mars a représenté un défi ; la lettre du 18 mars, quant à elle, va au-delà des limites de la provocation et du défi. Après avoir foulé aux pieds la Constitution et les lois et fait subir à toutes les institutions républicaines le même outrage, voilà que le régime politique en place et les forces extraconstitutionnelles qui l'ont pris en otage osent faire front face à plus fort qu'eux, le peuple algérien dont ils veulent soumettre la souveraineté au même traitement outrageant." Le président de Talaie El-Houriat rappelle que le peuple "a rejeté haut et fort, dans le fond comme dans la forme, le message à la mation du 11 mars 2019. Il a résolument considéré comme nul et non avenu le marchandage pathétique d'une extension à durée indéterminée du quatrième mandat présidentiel en échange d'une conférence nationale et d'une nouvelle Constitution qui seraient les accoucheuses d'une nouvelle République et d'un nouveau régime politique". Il note qu'en dépit de ce rejet qualifié de "franc et massif, les forces extraconstitutionnelles persistent et signent et font attribuer au Président absent, à travers la lettre du 18 mars, la volonté de mettre en œuvre une prétendue feuille de route dont personne ne veut et à laquelle personne ne croit". Nissa H.
Ramdane TaÂzibt, député du PT : "Le pouvoir ignore l'aspiration profonde du peuple" Comme l'écrasante majorité des Algériens, le Parti des travailleurs, par la voix du député, Ramdane Taâzibt, considère que le pouvoir persiste à ignorer les aspirations exprimées par le peuple algérien depuis le 22 février dernier. Selon lui, la conférence proposée par Bouteflika ne peut répondre aux aspirations des Algériens, d'autant que le pouvoir recourt de nouveau à des procédés, aux relents de manœuvre, hérités de la culture du parti unique. "Depuis le 22 février, des millions d'Algériens réclament le départ du système pour exercer leur souveraineté. Tous les jours, différentes catégories sociales manifestent pour le départ du système : magistrats, avocats, fonctionnaires, étudiants, médecins, etc. Jusqu'à présent, le pouvoir ignore cette aspiration profonde de la population à prendre son destin en main", observe-t-il. "Et la conférence proposée ne peut répondre à cette aspiration au changement et encore moins de permettre aux millions de citoyens de participer à l'édification de la deuxième République", estime-t-il. Ramdane Taâzibt dénonce, de nouveau, les manœuvres auxquelles se livre le pouvoir, à travers certains commis de l'Etat, comme les walis. "Les procédés utilisés sont ceux du parti unique. On a vu comment dans plusieurs wilayas, on tente de sélectionner des représentants." "La seule solution qui puisse répondre à l'aspiration du peuple, c'est le départ du système, de ses symboles et de ses partis, et réunir les conditions pour que le peuple exerce sa souveraineté qu'il n'a pas exercée depuis 1962", décrète-t-il. K. K. Lakhdar Benkhellaf, député d'Al-Adala (FJD) :"La lettre du chef de l'Etat est un non-événement" "La lettre du chef de l'Etat est un non-événement, elle n'a rien apporté de nouveau. Elle est en contradiction avec les revendications du peuple qui exige le départ du Président et du système. La lettre évoque des choses dépassées, et ce, pendant que le mouvement ne demande rien moins que le départ du système. Aujourd'hui, on réfléchit à la manière de faire partir ce système justement, c'est-à-dire soit la démission du président Bouteflika, soit l'application de l'article 102 de la Constitution, voire de prendre d'autres mesures comme l'application de l'article 7 de la Constitution qui stipule : ‘Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.' Le peuple demande le départ de l'actuel pouvoir, il faut satisfaire ses exigences." A. C.