L'attentat qui a ciblé l'ambassade d'Algérie à Caracas est significatif. Il y a entre Alger et Caracas une idylle, dont les “amoureux” ne sont autres que les deux présidents, Bouteflika et Chavez. Il y a, en revanche, un froid soudain entre Alger et Washington qui risque de peser lourdement sur les relations entre les deux pays. Pour une fois, l'Algérie enregistre un attentat hors de ses bases : dans le lointain Venezuela… Ce “coup” a de quoi susciter commentaires et interprétations : pourquoi cibler une mission diplomatique algérienne, et à Caracas précisément ? Ou plutôt, que veulent signifier les auteurs de cet attentat en frappant le pays de Bouteflika au pays de Chavez ? Rien, absolument rien n'est fortuit dans les relations internationales. Et dans ce cas de figure, le parallèle est vite fait entre l'intention avérée des Etats-Unis d'écarter “l'incommodant” Chavez, via la grève des pétroliers, et le soutien tout aussi avéré de Bouteflika à son ami du Venezuela. La grenade a fragmentation lancée jeudi, de nuit, contre la résidence de l'ambassadeur d'Algérie à Caracas n'a pas fait de victime. L'intention est certainement moins de nuire à notre pays que d'avertir ses responsables quant aux conséquences de ce soutien à toute épreuve apporté à Hugo Chavez, qui ne semble pas plaire à l'establishment US. Et qui tombe véritablement au mauvais moment. Au moment où les relations entre l'Algérie et les Etats-Unis connaissent une embellie qui n'a d'égal que l'engagement sans réserve de Bouteflika dans la coalition mondiale contre le terrorisme. Et l'alignement franc de la diplomatie algérienne — calquée sur une amitié personnelle entre les deux chefs d'Etat — irrite manifestement l'administration américaine qui voit “l'allié” lui tourner le dos, en déjouant — inconsciemment peut être — ses plans stratégiques en Amérique latine. Faut-il donc y voir la main de la CIA dans cette affaire ? Sans vouloir pointer un doigt accusateur sur Washington, il y a tout de même des signes qui ne trompent pas quant à un éventuel rappel à l'ordre de la part des Américains à l'égard d'Alger. La grève des pétroliers qui asphyxie l'un des pays les plus gros producteurs de l'or noir au monde participe sans doute de ce plan concocté par la Maison-Blanche à l'effet de détrôner Chavez, faute de pouvoir le faire autrement, dans la mesure où celui-ci jouit du soutien de son armée. La paralysie de l'économie du Venezuela par cette grève des travailleurs du pétrole est ainsi conçue comme un expédient, voire une arme fatale pour se débarrasser de “l'encombrant” Chavez qui n'est décidément pas en odeur de sainteté chez les Américains. Mais voilà, l'Algérie est entrée comme un cheveu dans la soupe US, à travers l'envoi d'une mission d'experts dans les affaires pétrolières pour réanimer un pays en crise, certainement provoquée, et par là même, voler au secours d'un Hugo Chavez qui commençait à chanceler sur son fauteuil de Président. Pis, Bouteflika a cru bon et opportun d'envoyer un émissaire — Ahmed Ouyahia — apporter un message de solidarité à son homologue vénézuélien que ce dernier ne s'est pas privé de rendre public pour les besoins de sa cause. Une attitude qui ne pouvait, il est vrai, plaire à l'administration de George Walker Bush contrarié sans doute dans ses desseins géopolitiques. La convocation, le 3 de ce mois, de l'ambassadeur d'Algérie à Washington, Driss Djazaïri, que les milieux officiels ont vite fait de démentir, crédite un peu plus le coup de gueule des Américains contre Alger, ou plutôt contre Bouteflika. Ce dernier, que le secrétaire d'Etat adjoint, William Burns, en visite récemment en Algérie, a longuement encensé, semble avoir faussé compagnie aux Américains au point de provoquer une mini-crise larvée entre les deux pays. Ainsi vint, peut-être, cette bombe… H. M.