Dans son discours d'investiture, le président par intérim, Abdelkader Bensalah, s'est engagé à créer "une institution nationale collégiale, souveraine dans ses décisions, à laquelle sera dévolue la mission de réunir les conditions nécessaires de préparation et d'organisation d'élections nationales honnêtes et transparentes". Cela, alors qu'il a, dans le même temps, insisté sur le respect du cadre constitutionnel dont l'article 102 qui lui a permis d'accéder, systématiquement, à la magistrature suprême suite à la démission du président Bouteflika. Ce qui, de l'avis des spécialistes, est, à la fois, "contradictoire" et "illégal". "Par cette annonce, M. Bensalah remet d'abord en cause son propre discours insistant sur le respect de la Constitution. Ensuite, la création de cette instance est illégale sachant qu'il existe déjà une instance constitutionnelle en charge de ce domaine, en l'occurrence la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise), laquelle n'a pas été dissoute. S'il a été mis fin au mandat de ses 410 membres, (205 magistrats et 205 compétences indépendantes), l'organe exécutif de la Hiise est toujours en place. Donc, si Bensalah tient au respect de la Constitution, il n'a pas à décréter la création d'une institution non constitutionnelle", a expliqué le secrétaire général de la Hiise, et non moins expert juridique, Fouad Makhlouf, contacté hier par téléphone. Pour lui, la seule chose que pourrait faire, à présent, le président intérimaire s'il compte aller au bout de sa mission, c'est-à-dire l'organisation de l'élection présidentielle dans 3 mois, c'est d'ouvrir les 405 postes vacants des membres de la Hiise aux représentants du peuple. Au chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, qui alerte sur le risque d'aller vers une situation d'exception dans le cas de non-respect du cadre constitutionnel, M. Makhlouf réplique que "nous sommes déjà dans une situation d'exception" et "des solutions constitutionnelles existent pour sortir de la crise". Pour contourner le verrou de l'article 102 et dans la situation actuelle du pays, marquée par le rejet par le peuple des gouvernants actuels, à leur tête le président intérimaire Bensalah, il explique qu'il suffirait de "combiner" les articles 7, 8 et 107 de la Constitution pour aller vers la transition réclamée, sans sortir du cadre juridique et tout en respectant la volonté populaire. Pour M. Makhlouf, la solution passe impérativement par la démission de M. Bensalah. Ce que, dit-il, le chef d'état-major, s'il compte vraiment sauver le pays de l'impasse, voire du chaos, doit imposer à M. Bensalah lequel est appelé à s'en remettre aux dispositions de la loi fondamentale et décréter, conformément aux articles 91 alinéa 6 et 92 alinéa 1, juste avant sa démission, l'investiture d'un organe présidentiel transitoire pour une période n'excédant pas 12 mois. M. Makhlouf suggère un directoire présidentiel composé de 5 personnalités dont un juriste de renommée, une femme et un représentant de la communauté nationale à l'étranger. L'alinéa 6 de l'article 91 stipule que le président jouit de la prérogative de "signer les décrets présidentiels", et l'alinéa 1 de l'article 92 porte sur les pouvoirs conférés au président de la République pour "nommer aux emplois et mandats prévus par la Constitution". Pour M. Makhlouf, il s'agit là d'une solution "juridiquement élégante" pour remettre le pouvoir au peuple et éviter au pays une situation d'impasse. Farid Abdeladim