Les segments les plus représentatifs de la classe politique et de la société civile déclinent l'invitation qui leur est faite de prendre part aux consultations de demain lundi. Le semblant d'aphasie derrière laquelle semble se murer le pouvoir devant l'ampleur du mouvement populaire enclenché le 22 février dernier ne serait donc qu'un recul tactique visant l'essoufflement de la contestation, d'une part, et l'exécution déguisée d'une feuille de route déjà rejetée par le peuple, d'autre part. Demeuré aphone à la volonté populaire somptueusement exprimée par les millions de citoyens qui ont fait preuve d'une infaillible mobilisation deux mois durant, Abdelkader Bensalah est probablement en train de commettre l'impéritie de trop en conviant à une rencontre élargie pour demain, lundi, une centaine de personnalités issues de "la classe politique, représentants de la société civile, figures du mouvement citoyen et des personnalités nationales et politiques". L'objet annoncé de cette rencontre n'étant autre qu'une perspective foncièrement récusée par le peuple, à savoir la préparation de l'élection présidentielle annoncée pour le 4 juillet prochain et la mise en place d'une commission indépendante de surveillance de cette même élection sous l'égide du même pouvoir et d'un Premier ministre qui aura été l'artisan de toutes les fraudes électorales. Une invitation pointée du même empressement qui marqua l'annonce par le chef de l'Etat intérimaire au lendemain de son "investiture" de la date du scrutin, puis la désignation anticonstitutionnelle de Kamel Feniche à la tête du Conseil constitutionnel après la démission de Tayeb Belaïz. Car, le cas échéant, le vide engendré par cette démission aurait inexorablement conduit aux départs simultanés et du gouvernement Bedoui et de Bensalah lui-même. Ce n'était pas tant qu'un autre viol de la loi fondamentale qui contraste avec la résolution présumée d'aller vers une élection présidentielle conformément à l'esprit de la Constitution avec un consentement hypothétique d'une classe politique qui n'a pas, elle aussi, échappé aux dénonciations du mouvement populaire qui a réaffirmé sa sentence avant-hier, au neuvième vendredi consécutif de marche. Pis encore, les réactions des partis politiques, de l'opposition notamment, déclinant l'invitation de la Présidence, n'ont pas tardé à jeter le discrédit sur la démarche en s'alignant sur la position populaire revendiquant le départ de tout le système et du personnel politique qui le compose. Et à moins que la démarche en question ne réponde à un agenda préétabli d'un pouvoir qui tient encore, contre vents et marées, aux rênes du pays, quitte à fouler aux pieds, une fois de plus, les lois de la République et d'aller contre la volonté du peuple, Bensalah ne se rend-il pas compte du danger qu'il fait encourir à la nation ? Car au demeurant, l'échéance qu'il s'est lui-même fixée est irréalisable dans les conditions qui prévalent actuellement dans le pays. Tel a été d'ailleurs le diagnostic fait par l'ex-président de l'APN, Abdelaziz Ziari, et l'avocat Miloud Brahimi au sortir de leurs audiences respectives avec le chef de l'Etat, jeudi passé. Le premier ayant évoqué le sentiment que Bensalah "s'agrippe à la solution constitutionnelle" et, partant, prépare "une élection impossible à tenir dans les délais annoncés". Arithmétiquement, la solution constitutionnelle est au demeurant irréalisable selon l'échéance indiquée et générera un précédent inédit, celui de la vacuité du pouvoir, sachant que "le mandat" d'Abdelkader Bensalah n'est que de 90 jours, selon la loi fondamentale, et qu'en cas de deuxième tour de l'élection en question, les délais impartis par la loi électorale prorogeraient sine die davantage son magistère. Une velléité qui ne semble pas embarrasser le chef de l'Etat qui boude toujours la voix du peuple qui l'exhorte à partir. Aussi, voudrait-il exaucer le vœu du clan Bouteflika auquel il est resté fidèle, en accomplissement de son testament : une prolongation du quatrième mandat sans son mandant et une feuille de route "testament" qu'il est pratiquement en train d'exécuter à la lettre ? Kamel Ghimouze