le peuple s'oppose au pouvoir Il y aura des candidats à la prochaine présidentielle, des partis pour animer la campagne électorale et peut-être même une société civile pour compléter le décor. Mais ce scrutin se déroulera à coup sûr sans électeurs. «La vraie démocratie ne viendra pas de la prise du pouvoir par quelques-uns, mais du pouvoir que tous auront de s'opposer au pouvoir de quelques-uns» a dit un jour Ghandi. Et l'Algérie semble bien être dans une vraie démocratie depuis le 22 février dernier puisque le peuple s'oppose au pouvoir de certains et demande leur départ. Or, ceux qui sont au pouvoir brandissent la Constitution et le respect des lois de la République. En premier, il y a l'institution militaire qui, affirmant soutenir le peuple et toutes ses revendications, a exigé la démission immédiate du président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Une fois la démission enregistrée, retour à la légitimité constitutionnelle car pour l'Armée, le reste des revendications du peuple «irréalisables» et s'assimilant à «des positions obstinées», risquent de mener le pays au chaos. Abdelkader Bensalah est proclamé par le Parlement président d'Etat chargé de gérer la période de transition et d'organiser l'élection présidentielle. Il convoque alors le corps électoral pour le 4 juillet prochain et invite la classe politique et citoyenne à participer à la création d'une institution nationale collégiale, à laquelle sera dévolue la mission de préparation et d'organisation de l'élection. Le gouvernement Bedoui tente de dérouler ses journées dans la gestion des affaires courantes du pays sans vraiment réussir puisque ses ministres sont hués et «chassés» à chaque fois que l'un d'eux tente de sortir sur le terrain. Le ministre de l'Intérieur, lui, s'affaire à préparer le prochain rendez-vous électoral en conviant les postulants à la candidature à l'élection présidentielle à procéder au retrait des formulaires de souscription et en initiant la révision exceptionnelle des listes électorales. A voir ce tableau, tout va bien pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et pourtant! Aucun responsable ne peut pratiquer la politique de l'autruche. Que ce soit le commandement de l'ANP, le chef de l'Etat ou encore le gouvernement, tous ne peuvent dire «cachez-moi ce peuple que je ne saurai voir!». Une déferlante. La volonté de millions d'Algériens qui, dans d'immenses cortèges, battant chaque vendredi le pavé des villes, ne peut être ignorée, balayée d'un revers de la main. L'Algérie est fissurée: d'un côté le peuple qui assiège le pays, de l'autre ceux qui le gouvernent au nom de la légitimité constitutionnelle. Et la question qui s'impose: y aura-t-il une élection le 4 juillet prochain? Des candidats à la présidentielle? Il y en aura certainement puisque déjà deux ont déjà annoncé leur participation, à savoir Ghediri et Abdelaziz Belaïd. D'autres suivront. Des partis pour animer la campagne électorale? Il y en aura aussi puisqu'en plus de ceux déjà existants et qui ont applaudi l'actuel processus de retour à la légitimité constitutionnelle, 10 autres vont bientôt être agréés. Même une société civile peut être trouvée pour compléter le décor. Que reste-t-il? Les électeurs qui composent le peuple. Là, c'est tout le problème. Le peuple a donné son verdict: non à une présidentielle avec Bensalah comme président d'Etat, Bedoui, Premier ministre et Belaïz à la tête du Conseil constitutionnel. Et ce peuple-là est soutenu par une grande partie de la classe politique qui refuse de dialoguer pour créer la commission de surveillance des élections. Comment pourra-t-on donc créer la commission collégiale?