Les journalistes de l'ENTV sont revenus hier à la charge. Ils ont organisé devant l'entrée principale de la Télévision algérienne un sit-in contre la censure et le "contrôle" des informations diffusées. Exerçant dans les cinq chaînes de la Télévision algérienne (la Terrestre, A3, Canal Algérie, la Quatre et Coran TV), les reporters de ce média ont, une nouvelle fois, exprimé leur indignation contre la rétention et la désinformation imposées au quotidien dans les cinq rédactions. Le décor sécuritaire planté au début du boulevard des Martyrs en venant de l'hôtel El-Djazaïr annonce qu'un mouvement de protestation est prévu. Des camions et des patrouilles antiémeutes étaient stationnés tout au long de l'artère. Des policiers ont pris position en face du siège de l'ENTV. Ce qui a, d'ailleurs, été à l'origine du ralentissement de la circulation automobile. À défaut de battre le pavé, les reporters de la télé nationale ont marqué une longue halte devant l'accès principal en scandant : "Télévision horra démocratia." Ils ont ainsi investi pendant plus d'une demi-heure l'accotement du siège de la Télévision. Des brigades antiémeutes déployées sur les lieux ont formé, pour la circonstance, un cordon de sécurité pour stopper la marche des reporters qui ont affiché leur détermination à poursuivre leur combat, et ce, malgré toutes les entraves de leur "hiérarchie". Signalons au passage que les policiers affectés n'ont pas recouru à la matraque puisque les protestataires, qui disent être rassemblés pacifiquement pour défendre leur mission de service public, n'ont pas bravé "l'interdiction". Les manifestants ont collé du papier adhésif sur leur bouche, une image qui renvoie à l'omerta (loi du silence) imposée aux journalistes en ces temps de "hirak populaire". Ils ont scandé à tue-tête des slogans hostiles à leur nouvelle direction, en la personne de Lotfi Cheriet, "qui a déjà fait ses preuves en matière de désinformation". Ils ont crié haut et fort : "L'ENTV n'est pas la chaîne istémrarya", "Li système rafidhoune. Nahnou samidoune" (nous rejetons le système, et nous résistons toujours), ou encore "Maranach ahrar, cherbouna lamrar" (nous ne sommes pas libres, nous avons bu le calice jusqu'à la lie). Il faut relever que c'est la septième fois depuis le début du "hirak" que des professionnels de l'Unique initient une action de protestation. C'est dire que le changement opéré à la tête de la direction générale, avec la nomination de "Lotfi Cheriet, DG, n'a pas amélioré le fonctionnement des rédactions de la Télévision", témoignera une journaliste. Des pancartes sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, "Non à l'information erronée", "Basta à la manipulation", "Halte à la censure", ou encore "Y en a marre de la censure", ont été arborées par les protestataires. Ces slogans et bien d'autres résument bien les pressions subies. À l'issue de la manifestation, un journaliste nous a pris à témoin pour dénoncer "l'ère de Lotfi Cheriet qui renvoie aux pratiques de l'époque du parti unique". "Le nouveau DG est en train de faire mieux que son prédécesseur en matière d'opacité. D'ailleurs, les journalistes se demandent pour quel clan ils travaillent aujourd'hui, après le départ de Bouteflika et sa caste. Nous souhaitons savoir pour quel clan nous roulons aujourd'hui, auparavant c'était clair, maintenant, les choses se sont vraiment corsées." Hanafi H.