Indignés par l'arrestation et l'emprisonnement d'Issad Rebrab, président du groupe Cevital, des militants politiques, des acteurs sociaux et des défenseurs des droits et des libertés préviennent le pouvoir : ils ne se tairont pas devant ce qu'ils qualifient de "cabale judiciaire", de "règlement de comptes" ou encore de "manœuvre machiavélique" visant à casser la dynamique populaire et l'élan unitaire du mouvement du 22 février. Extraits. Khaled Tazaghart, député démissionnaire "Rebrab est un héros national" "Ma présence aujourd'hui, ici et parmi vous, est un devoir, un acte de conviction d'un homme libre. Le 11 décembre 2018, nous étions des centaines de milliers d'Algériens à sortir dans les rues de Béjaïa pour libérer les investissements du premier groupe industriel privé en Algérie. Aujourd'hui, nous sommes redescendus dans la rue pour exiger la libération du président du groupe Cevital que je considère comme un héros national. Ce qui se passe dans ce pays est gravissime. Je suis navré de constater qu'un grand homme comme Issad Rebrab à qui on déroule le tapis rouge à l'étranger, pour son génie, se retrouve sous mandat de dépôt dans son propre pays. Nous ne devons pas nous taire face à cette injustice flagrante. La priorité est de souder nos rangs pour faire dégager ce système et décider de notre destin. Nous voulons le départ non seulement des ‘trois B', mais aussi de tout l'alphabet du système mafieux et assassin. Et surtout pas un changement dans la continuité. Les coups fourrés du pouvoir visant les symboles de la Kabylie, dont Issad Rebrab, ne sont pas fortuits. Les vrais décideurs d'aujourd'hui ciblent la région de Kabylie, qui constitue le cœur palpitant de l'Algérie, dans le seul but de casser ce mouvement populaire qui veut en finir avec le régime politique qui a confisqué le pouvoir après l'assassinat d'Abane Ramdane. Nous devons continuer à marcher chaque vendredi pour exiger le départ du système, mais il faudra aussi marcher tous les autres jours de la semaine pour libérer notre héros, Issad Rebrab, qui devient, désormais, une cause, puisqu'il contribue à la création des richesses. Une chose est sûre : c'est en héros que M. Rebrab sera libéré !"
Mourad Bouzidi, porte-parole de la coordination des comités de soutien aux travailleurs de Cevital "Restons unis pour déjouer les manœuvres machiavéliques du pouvoir" "La journée d'hier, lundi 22 avril, est une journée sombre de l'histoire de l'Algérie. À travers la mise sous mandat de dépôt de M. Rebrab, le plus grand investisseur d'Afrique, le pouvoir cherche à briser l'espoir de tout un peuple qui a décidé de prendre son destin en main depuis la formidable mobilisation historique du 22 février. Si M. Rebrab est aujourd'hui dans le collimateur des résidus d'un système finissant, c'est parce qu'il s'est rangé du côté du peuple. Il a publiquement assumé son adhésion totale aux revendications populaires, exigeant le changement radical de régime politique et l'instauration d'une véritable République démocratique et sociale. Cela dit, ce n'est pas uniquement le président du groupe Cevital qui est visé dans cette cabale judiciaire, mais c'est aussi la région de Kabylie, voire toute l'Algérie de demain, aujourd'hui menacée par un pouvoir aux abois. La nomination du nouveau wali de Tizi Ouzou, qui était à l'origine des événements tragiques de Ghardaïa, les agressions physiques subies par le président de la JSK, Cherif Mellal, les campagnes de dénigrement et les attaques contre le drapeau de l'amazighité et contre certaines figures emblématiques du combat démocratique natives de Kabylie, à l'image du Dr Saïd Sadi, de Me Mokrane Aït Larbi et de Karim Tabbou, la désignation à la tête du Conseil constitutionnel de Kamel Fenniche, qui était à l'origine de la condamnation arbitraire des militants de la cause berbère en 1981, alors qu'il était procureur à Béjaïa…, sont autant de signes révélateurs d'un complot ourdi contre la Kabylie. Il y a une volonté de diviser le peuple en utilisant la carte régionaliste. On a voulu montrer, comme d'habitude, la Kabylie comme une menace à l'unité nationale. Je tiens à dénoncer également certaines chaînes de télévision, connues pour leur allégeance au pouvoir en place, qui se sont empressées d'annoncer les chefs d'accusation retenus injustement à l'encontre de M. Rebrab, avant même qu'il ne soit entendu par la justice. C'est un véritable lynchage médiatique dont est victime le plus grand créateur d'emplois et de richesses en Algérie. On veut se servir du président de Cevital pour casser le mouvement populaire du 22 février et pour régler des comptes. Aujourd'hui, nous devons rester plus que jamais unis et mobilisés afin de déjouer toutes les manœuvres machiavéliques du pouvoir et maintenir la flamme du combat pacifique jusqu'au départ définitif du système."
Me Salem Khatri, avocat et bâtonnier de Béjaïa "Non à une justice expéditive et de règlement de comptes" "Nous sommes contre une justice expéditive, de règlement de comptes ou d'apparat. Non à la précipitation, oui pour une justice indépendante. Nous refusons toute cette politique qui consiste à jeter de la poudre aux yeux des Algériens. La justice a besoin de sérénité. Notre Union nationale des avocats a plaidé pour des mesures conservatoires concernant le traitement de dossiers aussi sensibles. Mais en tout état de cause, l'appareil judiciaire doit agir indépendamment de tout pouvoir politique. Autrement dit, l'indépendance de la justice est au cœur des exigences de l'heure. C'est l'une des revendications légitimes du peuple algérien."
Saïd Salhi, vice-président de la LADDH "Rebrab était la première victime du régime de Bouteflika" "Nous refusons que la justice soit instrumentalisée dans une lutte clanique. Nous considérons aujourd'hui que nous ne devons pas revenir en arrière après avoir libéré le corps des magistrats et celui des avocats. Concernant les dernières interpellations, notamment celle de M. Rebrab, nous estimons qu'il s'agit là d'une provocation à l'égard d'une région très sensible, à savoir la Kabylie. Cette énième provocation vise à diviser le mouvement populaire qui exige le départ de tout le système. Il va sans dire que le patron de Cevital, qui a soutenu ouvertement le peuple dans sa lutte pacifique pour un changement de régime politique, est aujourd'hui la cible du même pouvoir qui bloquait ses projets d'investissements depuis des années. M. Rebrab était la première victime du régime de Bouteflika. Aujourd'hui, nous refusons une transition clanique. Nous revendiquons la mise en place des institutions crédibles et légitimes, notamment une justice indépendante, à travers une véritable transition démocratique, tant souhaitée par la majorité des Algériens."