Des fonctionnaires ont aidé Kamel Chikhi à obtenir des permis d'extension, à acquérir des assiettes foncières et à ériger des étages supplémentaires en contournant la loi, selon les conclusions des investigations. En attendant la fin de l'instruction autour de l'affaire de la cocaïne, l'importateur et promoteur immobilier, Kamel Chikhi, alias "El Boucher", comparaîtra le 22 mai devant le tribunal de Sidi M'hamed en compagnie de douze fonctionnaires des services de l'urbanisme et des conservations foncières pour répondre des chefs d'inculpation de "corruption et trafic d'influence". Pour les fonctionnaires impliqués dans cette affaire, il s'agit des chefs des services de l'urbanisme de Kouba, d'Aïn Benian, d'Hydra, de Draria et de Chéraga, des contrôleurs fonciers de Bouzaréah, d'Hussein-Dey, de deux contrôleurs de la conservation foncière d'Hussein-Dey, d'un fonctionnaire de la conservation foncière de Bouzaréah et d'un architecte de la Direction de l'urbanisme d'Alger. Ils sont en détention préventive depuis bientôt une année, à l'exception du chef du service de l'urbanisme de Kouba lequel est sous contrôle judiciaire, précisent nos sources. Ces fonctionnaires devront s'expliquer devant le président de l'audience sur les liens qu'ils entretenaient avec Kamel Chikhi et leur implication dans l'établissement de certains documents en relation avec ses activités de promotion immobilière. Pour construire ce dossier à charge, le juge d'instruction s'est basé sur les enregistrements vidéo des caméras de surveillance installées dans le bureau du magnat de l'immobilier ainsi que sur une longue liste de conversations téléphoniques. Il est arrivé à la conclusion que les mis en cause ont aidé Kamel Chikhi à obtenir des permis d'extension, à acquérir des assiettes foncières et à ériger des étages supplémentaires en contournant la loi. Les investigations judiciaires ont concerné une vingtaine de projets immobiliers dans la capitale dont certains sont achevés et d'autres encore en chantier, ajoutent nos sources. Durant les auditions de fond qui se sont déroulées au mois d'octobre dernier, les accusés ont reconnu avoir, dans certains cas, écourté les délais des démarches administratives, mais ont, en revanche, nié avoir reçu en échange des récompenses en argent liquide ou en cadeaux. Ce volet des investigations judiciaires autour de Kamel Chikhi semble avoir avancé plus vite que celui de la cocaïne, qui a pris dès le départ une connotation politique. Si plusieurs pontes du régime ont été cités, dans le cadre de ce scandale, la justice ne s'est pas intéressée jusqu'à présent à beaucoup d'entre eux. Il y a comme une volonté de restreindre le dossier cocaïne à six accusés : Kamel Chikhi, ses deux frères, un de ses associés, son directeur commercial et un agent, placés sous mandat de dépôt pour "importation, commerce, distribution de drogue et blanchiment d'argent". Une deuxième affaire également en phase d'instruction implique le fils de l'ancien Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, le chauffeur personnel de l'ex-DGSN, Abdelghani Hamel, le fils d'un ancien wali de Relizane, l'ex-président de l'APC de Ben Aknoun, le procureur de Boudouaou ainsi que son adjoint. Tous sont poursuivis pour trafic d'influence, corruption et réception d'indus cadeaux. Aucune date de leur procès n'a été pour l'instant avancée, mais nos sources affirment que l'enquête judiciaire concernant ces deux derniers dossiers est dans sa phase finale. Le 2 du mois en cours, le juge d'instruction du pôle pénal a, en effet, accéléré la cadence en auditionnant en tant que témoin le général-major Abdelghani Hamel sur ses déclarations sur l'affaire relative à la saisie de 701 kg de drogue dure. L'ex-chef de la Sûreté nationale avait soutenu, le 26 juin 2018, en marge d'une rencontre sur la lutte contre le trafic de drogue, qu'il y avait eu des dépassements dans l'enquête préliminaire et promis de remettre les dossiers en sa possession à la justice.