L'été reste la saison propice pour célébrer les fêtes de mariage. En effet, chaque jour que Dieu fait et sous un soleil de plomb, des cortèges nuptiaux impressionnants sillonnent villes et villages de la région d'Azazga. Des fois, le nombre de voitures composant le cortège dépasse les 60 véhicules qui, avec leurs gosiers métalliques, font chanter les coins les plus calmes. Et de l'intérieur de ces derniers, des youyous stridents fusent à l'unisson, créant un climat de liesse sans pareil. Que ce soit à Yakouren, Zekri, Ifigha ou Fréha, l'ambiance est la même. C'est ce que nous avons constaté pendant nos pérégrinations qui nous ont menés à visiter une dizaine de patelins. À quelques détails près, le rite est le même partout : les us et coutumes relatifs aux fêtes de mariage sont vivaces et, surtout, conservés par la gent féminine, les vieilles notamment. “Tu sais mon fils, nous n'avons pas le droit de délaisser nos coutumes qui sont le socle même de notre existence. Nous nous devons de les préserver et de faire en sorte qu'elles soient pérennes. Il y va de notre culture”, nous a déclaré une vieille femme. Cette vénérable dame, qui nous a fait penser aux grandes femmes berbères avec leurs habits traditionnels, nous a affirmé qu'elle ne pourrait jamais se passer de son “akouvri” (robe kabyle). En effet, parmi les us et coutumes encore vivaces en Kabylie concernant les mariages, le repas offert aux invités. Pendant la journée où la nouvelle épouse doit rejoindre sa “nouvelle” maison, un dîner est offert pour tout le monde. Ainsi, les convives auront droit à un repas succulent qu'ils mangeront avec délectation. Généralement, le plat est constitué du couscous que des vieilles devaient rouler quelques semaines plus tôt, de viande et de haricots verts, le tout agrémenté de toutes sortes d'épices. À ce propos, il faut noter que le couscous est le plat préféré des Kabyles en pareille circonstance. Une fois tout le monde installé, la mère de la jeune épouse, avec trois autres vieilles (il faut qu'elles soient vieilles), ouvre le bal en entonnant un chant du terroir. Après une vingtaine de minutes, les idhebalen apparaissent et la fête, qui durera jusqu'au petit matin, commence. “Il faut dire à ce propos que lorsque la Kabylie se met à chanter, nulle autre mélodie, aussi perfectionnée soit-elle, ne peut égaler ses mélopées sorties de nos montagnes”, nous a lancé un jeune. Une autre tradition encore vivace : le henni. Si, dans la majorité des contrées que nous avons eu le plaisir de visiter, les traditions sont jalousement conservées, il n'en demeure pas moins que dans d'autres, elles tendent à disparaître au grand désespoir des vieux et vieilles qui ne cessent de manifester leur mécontentement. “C'est vraiment dommage ! La salle des fêtes a remplacé l'aire où, jadis, nos soirées de mariage sont célébrées avec joie et bonheur. Comme le DJ a pris la place des idhebalen. Mais les jeunes, garçons et filles, ne voient pas de problème si les familles célèbrent les fêtes de mariage avec le DJ”, regrette ce vieux que nous avons rencontré à Yakouren lors d'une soirée de mariage. Entre l'avis des uns et des autres, les mariages procurent des moments de joie à tous. Vivement l'été ! Djamel Oukali