Un flux dense et interminable de manifestants déferlait de toutes parts sur le tronçon menant de l'université au CHU Nedir-Mohamed. C'était tout simplement impressionnant ! Malgré le jeûne et la chaleur suffocante d'hier, la mobilisation populaire pour le changement radical du système a été encore plus forte que celle des deux premiers vendredis du Ramadhan à Tizi Ouzou, où des dizaines de milliers de manifestants ont pris part à la marche du 14e vendredi. Ils n'étaient pourtant pas très nombreux à moins d'une heure du rendez-vous habituel de 13h devant la mythique entrée du campus Hasnaoua de l'université Mouloud-Mammeri, mais rapidement, la foule des grands jours étaient déjà là, envahissant tout l'itinéraire de la marche. Un flux dense et interminable de manifestants déferlait de toutes parts sur le tronçon menant de l'université au CHU Nedir-Mohamed. Arpentant la montée du stade du 1er-Novembre en scandant "Makache intikhabate ya el-îssaba", "Ulac l'vot ulac", la foule grossissait à vue d'œil. "Tsamsalt nennif" (C'est une question d'honneur), lançait une vieille femme qui, en principe, n'a plus l'âge de participer à de pareilles manifestations, notamment dans ces conditions peu favorables. Comme elle, il y en avait pourtant, aux côtés des hommes, à ne plus pouvoir les compter. La plupart d'entre elles marchent depuis le 22 février et, comme tous ces hommes, ces jeunes et ces enfants qui forment cette marée humaine, elles font montre d'une farouche détermination de ne plier ni devant les manœuvres ni devant l'usure sur laquelle joue le pouvoir pour venir à bout de la révolution populaire. À 14h, le décor habituel est planté au centre-ville où il est difficile de se frayer un chemin, y compris sur les trottoirs, parmi les manifestants qui scandent à tue-tête dans plusieurs carrés : "Makach intikhabat Gaïd Salah", "Makach intikhabat ya houkoumat el-cocaïne", "Klitou lebled ya serrakine", "Chaâb yourid tetnehaw gaâ" ou encore "Libérez l'Algérie". "Djeïch chaâb, khawa khawa, El-Gaïd m'el-îssaba", scandaient, également, de nombreux manifestants, mettant ainsi en relief la distinction entre l'institution militaire et le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, qui est devenu, depuis plusieurs semaines déjà, la cible principale des manifestants, comme le laisse d'ailleurs facilement comprendre le nombre impressionnant de pancartes avec son portrait barré en rouge. Sur les banderoles déployées en nombre impressionnant, hier, on pouvait lire de nombreux messages exprimant clairement les revendications chères au peuple : "Ni vote, ni bottes, c'est le peuple qui décide", "Non à la mascarade de l'élection du 4 juillet", "Gaïd Salah a trahi le peuple avec l'article 102", "Ya l'Gaïd, echaâb la yourid intikhabat : tethasbou gaâ", "Ramadhan ou pas, rien ne nous arrêtera, tetnehaw gaâ", "Bensalah, Gaïd Salah, Bedoui : dégagez", "L'armée au service du peuple, le peuple est source de tout pouvoir", "Vous vous êtes servis de ce pays plus que vous ne l'avez servi : partez !!", "Le peuple exige le départ d'el-îssaba". À noter qu'un tifo géant a été accroché, hier pour la première fois, sur la façade d'un bâtiment jouxtant l'immeuble abritant l'ex-gare routière de Tizi Ouzou. Samir LESLOUS