-C'est ici qu'a eu lieu l'accident, murmura Yazid. Maudit temps ! Maudit "Quatre chemins"... Combien de familles as-tu endeuillées? Personne ne pouvait lui donner le nombre exact. D'ailleurs, le jeune homme se trouvait seul dans sa voiture. Il rentrait de Tizi Ouzou où il venait de terminer ses études en droit. Il avait été absent six années et pourtant, en passant par cette route, menant à "Quatre chemins", son esprit et son cœur étaient frappés par le souvenir de ses deux beaux-frères et cousins. Ils se rendaient ce jour-là, à leur travail. C'était un jour comme aujourd'hui, une journée d'automne avec un ciel gris et des nuages sombres à l'horizon. Brahim et Saïd étaient agents de sécurité dans une entreprise étatique et chaque jour vers dix-sept heures, ils se rendaient à Boumerdès. Ils ne s'inquiétèrent aucunement du semi-remorque qui avançait devant eux. Au beau milieu de la pente, par accident, le chauffeur du semi fit marche arrière et la petite R4 où Brahim et Said se trouvaient ne résista pas. Les deux hommes moururent sur le coup. La remorque avait passé par-dessus. Les pompiers durent utiliser des cisailles électriques pour désincarcérer les victimes. Il était pratiquement impossible de retirer leurs corps coincés sous la ferraille. Les pompiers avaient pris soin d'éloigner les curieux car ils ne seraient pas remis de la vision horrible de ce qui restait des corps. C'était choquant et même si les pompiers étaient entraînés, certaines scènes les perturbèrent pendant longtemps. - Combien d'accidents ? Yazid essuya la sueur de son front. À chaque fois qu'il lui arrivait de passer par cet endroit, il transpirait. Quelle que fût la saison. Il avait peur de ces quatre routes qui se croisaient, qui menaient toutes à quatre villages, dans une région montagneuse de la Kabylie. Le jeune homme avait été très marqué par la mort tragique de ses cousins et beaux-frères. Il roulait doucement, voulant éviter un accident, de blesser quelqu'un. Il ne se pardonnerait pas d'être la cause d'un malheur. Il soupira, serrant ses doigts sur le volant. Il ne répondit pas au signe que lui faisaient des amis, en le reconnaissant, heureux de le savoir de retour au village. Le jeune homme voyait maintenant les trois autres routes. Dans un instant, il tournerait sur sa gauche, descendrait cette même pente où ses cousins avaient trouvé la mort. Yazid reprit son souffle et essaya de vaincre cette peur. À chaque fois qu'il revenait au village, il doutait de ses capacités de bon conducteur… La circulation se faisait plus dense. Yazid mit le clignotant gauche en marche. Le chauffeur de la voiture d'en face lui fit signe de passer en premier. Dans le rétroviseur, aucune voiture ne cherchait à le dépasser. Il bifurqua sur la gauche et commença à descendre la pente, roulant aussi lentement qu'il le pouvait…
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