L'Algérie est dans une configuration très difficile qui combine des risques politiques lourds et une remise en cause profonde de son modèle d'économie rentière. Cela renforce l'immobilisme du pouvoir et accentue les difficultés économiques. C'est du moins l'analyse que fait le groupe bancaire français, Crédit Agricole, dans sa dernière publication hebdomadaire Perspective. groupe bancaire français estime que "l'instabilité politique et institutionnelle pourrait durer un temps très long, car quels que soient les nouveaux dirigeants politiques, ils vont devoir gérer une crise économique qui va s'intensifier à moyen terme et demandera des sacrifices élevés à la population". Les chiffres macroéconomiques de l'Algérie à fin 2018, constate le Crédit Agricole, confirment la poursuite des difficultés économiques. "Selon la Banque centrale, les exportations d'hydrocarbures (gaz essentiellement) ont chuté de 7,7% en volume en 2018 par rapport à 2017, illustrant ainsi la hausse de la consommation interne d'énergie issue de la progression démographique de plus de 2% par an et le sous-investissement dans l'appareil de production", relève le groupe bancaire français. Ce dernier souligne que la loi qui devait permettre d'attirer plus d'investissements étrangers dans le secteur énergétique est repoussée et ces investisseurs ont adopté une attitude attentiste, en raison de l'instabilité sociale et politique. "Le ciblage juridique des milieux d'affaires assombrit un peu plus l'environnement des affaires déjà difficile", ajoute le groupe Crédit Agricole. Le groupe bancaire français note que la croissance du PIB a été très médiocre en 2018 à seulement 1,5%, contre 1,4% en 2017, une année déjà très en retrait par rapport aux années précédentes. Elle a été soutenue par l'agriculture et le BTP qui ont compensé une contraction de 6% du PIB hydrocarbures. Par ailleurs, l'affaiblissement de la rente gazière produit des déficits courants et budgétaires profonds, "car les seuils d'équilibre sont toujours à environ 100 dollars le baril". Le déficit courant, après un pic à 15% du PIB en 2015, a atteint 9,4% du PIB en 2018 (au-dessus des évaluations initiales de 8%), et pourrait rester autour de 7 à 8% du PIB en 2019 et 2020. "La conséquence est la poursuite de la baisse du stock de réserves en devises de 18% à 80 milliards de dollars en en 2018", indique le groupe bancaire. De son côté, le déficit budgétaire, de 5,5% du PIB en 2018, pourrait progresser à plus de 8% en 2019, compte tenu de la situation sociale. "L'ajustement budgétaire (c'est-à-dire la baisse des subventions) est très difficile à mettre en œuvre, car celui-ci remet en cause le pacte social et le principe de l'Etat providence. De plus, l'énorme poids de l'armée dans les dépenses (36% du budget) est quasi institutionnel", estime le Crédit Agricole. "Les déficits devraient perdurer au-delà de 2022, avec un impact sur la dette publique et donc la solvabilité du souverain", prévoit le groupe bancaire français, indiquant que la dette publique est passée de 27% du PIB en 2017 à 37% en 2018. Compte tenu du tabou de l'emprunt externe, son financement est actuellement assuré par la Banque centrale dans le cadre des mesures "non conventionnelles" de monétisation du déficit budgétaire. De son côté, relève le Crédit Agricole, la situation sociale et politique reste très tendue. "le chômage (officiel) s'établit au niveau élevé de 11,7% et les manifestations populaires hebdomadaires ont provoqué le report sine die de l'élection présidentielle prévue en juillet, sans que l'on puisse envisager à court terme des scénarios de sortie de crise, en raison du poids que souhaite jouer l'armée dans le processus de transition", note le groupe bancaire français. Le Crédit Agricole constate que "les purges anti-corruption, après avoir ciblé en premier lieu les milieux d'affaires, visent désormais les hauts responsables politiques des années Bouteflika, comme en témoigne l'incarcération récente de plusieurs ministres dont les ex-Premiers ministres . Ouyahia et Sellal pour des faits de corruption".