Les manifestants réclament le jugement des responsables politiques de l'époque, à leur tête l'ex-président Bouteflika et l'ancien ministre de l'Intérieur, Noureddine Zerhouni. Les drapeaux algérien et amazigh ont été brandis avec beaucoup d'émotion et de fierté sur la place de la République, où se tenait hier le 18e rassemblement de la diaspora algérienne en France, sous le slogan : "Pour un changement radical. Pour une transition démocratique indépendante en Algérie." Les manifestants, qui étaient, comme d'habitude très nombreux, ont tenu à célébrer le 18e anniversaire marquant la répression de la marche d'Alger qui avait eu lieu le 14 juin 2001, pendant les émeutes de Kabylie. "À la mémoire des 128 martyrs du Printemps noir", pouvait-on lire sur une pancarte, portée par un manifestant. Un autre a pris la parole pour rappeler, sans rancœur, l'indifférence qu'une grande partie de l'Algérie avait manifestée, selon lui, face aux révoltes successives en Kabylie, contre le pouvoir, depuis 1962. "Grâce à sa propagande, le régime avait convaincu les Algériens des autres régions que les Kabyles sont des autonomistes. Aujourd'hui, le peuple dans son intégralité se rend compte de la supercherie. Notre destin est commun et nous devons le défendre ensemble", a expliqué l'orateur devant une assistance conquise. Une dame s'est emparée à son tour du micro pour préciser que le destin de l'Algérie engage aussi celui de ses femmes dont les revendications ne doivent pas être ignorées. "Elles sont dans la rue tous les vendredis pour réclamer la démocratie. L'Algérie de demain doit se construire avec elles et en partie pour elles", a préconisé l'intervenante. Le collectif Libérons l'Algérie, qui rassemble une quinzaine d'ONG de la diaspora, a transformé la place de la République en une immense agora depuis quelques semaines. En prenant la parole, les Algériens de France veulent donner plus d'écho aux exigences de leurs compatriotes en Algérie. "L'Etat français, qui a longtemps soutenu Bouteflika et son clan, doit comprendre une fois pour toutes qu'il n'y a pas de marche arrière possible. La démocratie, dont il se revendique, nous la méritons aussi et nous l'aurons", a souligné un jeune avec enthousiasme. À quelques pas de la tribune où il a pris place, des feuilles de papier blanc ont été suspendues à un fil, avec une série de revendications inscrites au feutre noir : "Pour la dissolution de la police politique", "Primauté du politique sur le militaire", "Justice indépendante", "Non à l'impunité"... Un appel a été lancé particulièrement pour que la vérité soit établie concernant la mort, en mai dernier, du militant mozabite, Kamal-Eddine Fekhar et pour que la justice fasse son travail dans le dossier des victimes du Printemps noir. "Tous les responsables de l'époque doivent payer pour leurs crimes, à leur tête Bouteflika et l'ex-ministre de l'Intérieur Zerhouni", a exigé un homme dont le cousin a été tué lors des événements. Présente lors du rassemblement, Malika, la sœur de Lounès Matoub, a également demandé à ce que les véritables circonstances de l'assassinat du chanteur soient élucidées. "J'espère que le dossier Matoub sera rouvert", a-t-elle affirmé. Non loin d'elle, une longue procession s'est formée, elle a traversé la place de la République aux cris de "Pouvoir assassin !" Les participants ont déployé un gigantesque drapeau algérien.