C'est désormais officiel, Abdelmadjid Sidi-Saïd, à la tête de l'UGTA depuis plus de vingt ans, quitte définitivement la Centrale syndicale. Il a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat au poste de secrétaire général. Il a entériné la décision lors de l'ouverture des travaux du 13e congrès qui se déroule au Centre international des conférences (CIC) Abdelatif-Rahal. "Pour initier le processus de changement, je déclare solennellement que je ne suis pas candidat au poste de secrétaire général de l'UGTA", a-t-il annoncé dans son allocution. Le SG de l'Union des travailleurs sortant a, faut-il le rappeler, affirmé, il y a trois mois déjà, son intention de ne plus se porter candidat pour diriger ce syndicat en marge d'une précédente réunion de coordination regroupant les membres de son staff. "Je vous le dis tout de suite, je ne suis pas candidat. Je l'ai dit aujourd'hui à la commission exécutive nationale (CEN), je n'ai pas d'ambition. Ma seule ambition est d'aller vers un congrès de responsabilité dans une nouvelle dimension d'adaptation et de refondation", a-t-il déclaré à la presse en marge des travaux de la CEN, tenue en avril dernier au complexe des Andalouses à Oran. Il faut dire que le retrait de Sidi-Saïd était quelque part attendu, lui qui fait l'objet depuis les premiers jours du soulèvement populaire du 22 février de critiques acerbes de la part de la population et de ses opposants au sein de l'Union. Le hirak a en effet libéré les syndicalistes et les a encouragés à exiger son départ de l'organisation syndicale lors de nombreuses actions de contestation. Considéré comme le symbole typique du règne de Bouteflika, il a été aussitôt classé dans les rangs de la bande qui a ruiné le pays pendant vingt ans. Il était l'un des partisans et fervents défenseurs d'un cinquième mandat pour l'ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika. Pis encore, il a mis cette organisation des forces ouvrières à la disposition du clan présidentiel deux décennies durant. Inféodée au pouvoir, l'UGTA a, par ses centaines de milliers d'adhérents, contribué au succès de Bouteflika dans les différents scrutins auxquels il a participé. En contrepartie, les responsables syndicaux, qui suivaient cette ligne directrice tracée par le gouvernement pour Sidi-Saïd, ont bénéficié d'importants privilèges. Et les voix discordantes, qui tentaient de briser cette espèce d'harmonie imposée au sein de la Centrale syndicale par le quatuor Ouyahia-Sellal-Haddad-Sidi-Saïd, ont été illico presto étouffées, puis isolées. "Depuis vingt ans, l'UGTA de Sidi-Saïd a préféré servir le clan présidentiel au lieu de servir les travailleurs", déplore un cadre syndical, élément actif du mouvement de réappropriation de l'UGTA, né au lendemain de la révolte populaire. En ce qui concerne le congrès lui-même, d'aucuns avouent que jamais un événement d'une importance capitale dans la vie de la Centrale syndicale n'a été préparé dans de pareilles conditions, marquées par un black-out total. Rien n'a filtré sur ses préparatifs. Aucune information n'a été communiquée à ce propos. Personne ne peut expliquer la manière avec laquelle ont été délégués les congressistes. En tout cas, les syndicalistes de base ont été exclus de ce congrès. Vers une nouvelle crise Et le secrétariat national en place a recouru au mode de cooptation et d'injonction. Des bruits ont également circulé énonçant que la direction n'a pas obtenu l'autorisation des services concernés de la wilaya pour organiser ce congrès. Autant de manœuvres vilement exécutées par les organisateurs pour écarter toute perturbation du rendez-vous. Face à tous ces agissements contraires à l'esprit et à l'éthique du syndicalisme, environ une dizaine d'unions de wilaya a opté pour le boycott de ce congrès. C'est le cas de l'Union d'Alger qui, à l'issue d'un sit-in de ses adhérents jeudi devant le siège de cette structure, a préféré ne pas participer à ce congrès qualifié de "clandestin" et de "préfabriqué". Une mesure approuvée par le SG, Amar Takjout, qui regrette que les statuts et le règlement intérieur de ce syndicat ne soient pas respectés. Le congrès devait être, selon ce vieux syndicaliste, celui du changement. Ces assises devraient aborder un certain nombre de questions et marquer une halte pour faire le bilan. "On doit poser la question puis y répondre : pourquoi aujourd'hui l'UGTA est-elle décriée et insultée par le peuple ? Cette rupture, cette crise de confiance entre le syndicat et la base est due à quoi ?", s'interroge Amar Takjout. Il reste à savoir si les conclusions qui sanctionneront les travaux de ce congrès, notamment l'élection d'un nouveau SG et d'un autre secrétariat national, seront acceptées par les syndicalistes. Tout porte à croire que les syndicalistes boycotteurs et contestataires ne reconnaîtront pas les décisions qui seront prises à l'issue de ces assises. Ce qui mènera la Centrale syndicale droit vers une véritable crise.