Traversée par divers courants qui se disputent la direction, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) se trouve à jamais à la croisée des chemins. La Centrale syndicale vit en ce moment la période la plus décisive de son existence. Celui qui succédera à Sidi-Saïd au poste de secrétaire général, lors du congrès prévu les 21 et 22 juin en cours, dévoilera indubitablement le clan qui aura remporté cette bataille que se livre depuis des mois, voire des années, l'actuel secrétariat national, à sa tête le SG, contre ses opposants de tous bords. L'enjeu est de taille : le syndicat sera-t-il maintenu dans le giron du pouvoir tel que l'a accompli le SG actuel depuis vingt ans ou sera-t-il reconquis par les militants de la base et les travailleurs ? La première hypothèse exige que les clefs de la Maison du peuple soient remises au préalable au clan de Sidi-Saïd, qui aurait d'ores et déjà désigné son successeur, après le feu vert du pouvoir en place. Deux candidats à cette succession se dégagent clairement pour cette assemblée élective. On parle du SG de l'union de wilaya d'Alger, en l'occurrence Amar Takjout. L'ancien SG de la Fédération des textiles et cuirs pourrait effectivement faire basculer la tenue de ce congrès à son avantage, lui qui, de par ses positions, a souvent essayé de préserver les lignes directrices tracées par Sidi-Saïd. C'est son homme de confiance à qui il a confié d'ailleurs la délicate opération d'assainissement de l'union de wilaya d'Alger. L'autre confident du patron de l'UGTA n'est autre que le secrétaire national chargé des relations générales, Ahmed Guettiche. L'on a déjà évoqué son nom pour remplacer Sidi-Saïd. Avec ces deux hommes, avouent des observateurs très au fait de la situation de la Centrale syndicale, le pouvoir en place peut être rassuré quant à sa mainmise sur l'organisation. La deuxième hypothèse nécessite en revanche une offensive plus puissante et intense de la part des opposants à Sidi-Saïd. Un premier pas a été certes franchi dans ce sens. Un mouvement de "réappropriation de la Centrale par les travailleurs" ou de "redressement de l'UGTA" a été même créé. Mieux, les frondeurs parmi les syndicalistes et les travailleurs multiplient ces derniers jours des actions de protestation pour demander le départ immédiat du SG et de son exécutif et l'annulation du congrès qu'ils qualifient de "préfabriqué" et d'"anti-statutaire". Or, pour renverser la vapeur, les protestataires doivent impérativement passer à un cap supérieur dans leur protesta. Et le minimum… syndical, c'est de réussir à annuler le congrès. Sont-ils en mesure de le faire ? Difficile quand on sait que ces assises sont prévues, sauf changement de dernière minute, à Club-des-Pins. Même si les services concernés de la wilaya d'Alger, notamment la Drag, n'ont pas encore accordé une autorisation à la direction de l'UGTA. Le choix de ce lieu pour organiser cet événement n'est pas fortuit. Les organisateurs veulent s'appuyer sur le dispositif sécuritaire qui caractérise cet endroit pour empêcher l'accès aux opposants qui viendraient perturber le déroulement de cette importante rencontre. Le congrès se tiendra-t-il tel qu'il est programmé par les organisateurs ? On attendra le week-end prochain pour voir plus clair. Le congrès, un enjeu majeur Dans le cas où il serait annulé, c'est l'autre clan qui aura gagné la guerre à ce moment-là, et non pas la bataille seulement. Car, si annulation il y a, cela voudrait dire qu'un congrès extraordinaire, comme le revendiquent les redresseurs, doit être organisé dans les meilleurs délais. Et là encore, la conception de l'alternance au sein de la Centrale syndicale divise les opposants eux-mêmes. Il y a, au sein du mouvement de réappropriation, ceux qui veulent organiser un congrès où seuls les délégués dûment mandatés par la base prendront part. On constate également une sorte de "contre-attaque, une contre-révolution incarnée par les bureaucrates tapis dans les instances bureaucratiques de l'organisation qui font tout pour maintenir à l'écart les travailleurs et négocier ‘un changement dans la continuité' en faisant remplacer les membres du secrétariat actuel par d'autres administratifs, tout aussi responsables que Sidi-Saïd de la situation actuelle de l'UGTA", explique Noureddine Bouderba, ancien cadre syndical. Pour ce syndicaliste, il est grand temps que l'UGTA se réconcilie avec les travailleurs et la base syndicale sinon elle sera appelée à disparaître…