La dictature militaro-islamiste au Soudan continue de s'accrocher au pouvoir, dépendant en partie dans ses décisions de Riyad et d'Abou Dhabi, qui émergent en tête des capitales exportatrices d'instabilité dans plusieurs pays du monde arabe. Des dizaines de milliers de Soudanais ont organisé hier une grandiose marche vers le Palais présidentiel, à l'appel des leaders de l'opposition et des mouvements de la société civile, pour réclamer justice aux martyrs de la révolution et le transfert immédiat du pouvoir aux civils, ont rapporté les médias locaux. Réunis hier à Khartoum pour la marche du "un million" contre les militaires qui ont repris le pouvoir après le départ de l'ancien président Omar al-Bachir, le 16 avril dernier, les Soudanais ont réaffirmé hier leur attachement à l'instauration d'un Etat civil et démocratique. Cela ne s'est pas déroulé sans la répression des services de sécurité, sur injonction du Conseil militaire de transition, qui s'est illustré encore par une intervention musclée dans le siège contre le Syndicat des professionnels pour l'empêcher de tenir une conférence de presse. Des gaz lacrymogènes ont été utilisés contre les manifestants à Khartoum, ont rapporté plusieurs sources. Il s'agit du plus grand rassemblement dans la capitale depuis la dispersion le 3 juin d'un sit-in de manifestants devant le QG de l'armée à Khartoum, proche du palais présidentiel, qui avait fait au moins 128 morts, selon plusieurs sources. Aux cris de "Pouvoir civil, pouvoir civil", les Soudanais ont repris les manifestations dans plusieurs villes, à l'appel de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance du mouvement de contestation qui espère une mobilisation massive. "Nous appelons notre peuple révolutionnaire dans la capitale à se diriger vers le palais (...) pour demander que justice soit rendue aux martyrs et que le pouvoir soit immédiatement cédé aux civils, sans conditions", a indiqué sur twitter l'Association des professionnels soudanais (SPA) qui fait partie de l'ALC. Samedi, les Forces de soutien rapide (RSF), une force paramilitaire aux pratiques criminelles, ont envahi le siège de l'Association des professionnels soudanais (SPA) pour empêcher une conférence de presse concernant la marche d'hier. Cette répression et campagne d'intimidation contre les leaders de la contestation au Soudan constitue une énième tentative du Conseil militaire, dont les membres agissent sur injonction de l'Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, dont l'ingérence menace la stabilité du Soudan et de tous les pays de la région de l'Afrique du Nord et de l'Afrique de l'Est. À Omdurman, les milices janjawid ont encerclé plusieurs manifestants qu'ils ont tabassés et blessés par dizaines, ont rapporté des témoins et des sources hospitalières. Les mêmes miliciens janjawid ont été déployés à plusieurs points de Khartoum pour empêcher les manifestants de former un bloc uni, selon les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Pressés par la rue, les ONG et la communauté internationale, les militaires au pouvoir ne semblent pas prêts à céder le pouvoir, essayant de gagner du temps et comptant aussi sur l'essoufflement d'un mouvement qui dure depuis fin novembre 2018. Malgré la meurtrière répression qui a marqué ce mouvement inédit de protestation et les chaleurs suffocantes de l'été, les Soudanais ne lâchent rien. Ils comptent renforcer leur mobilisation tout en se montrant toujours disposés à négocier un plan de sortie de crise qui restituera le pouvoir aux civils dans les meilleurs délais.