"J'ai l'impression qu'il y a des résistances au sein du système politique", a réagi hier Abdelaziz Rahabi, qui conditionne l'ouverture d'un dialogue politique avec le pouvoir par l'annonce de mesures d'apaisement. La feuille de route laissée ouverte par les dizaines de participants au forum d'Aïn Benian sur le dialogue sonne comme une réponse cinglante à la dernière proposition du pouvoir. Face à Abdelkader Bensalah qui souhaite un "dialogue inclusif", les signataires du document répondent par la nécessité d'éloigner de toute discussion ceux qui ont participé au maintien du coup de force que voulaient opérer Abdelaziz Bouteflika et son entourage. Même si Abdelaziz Rahabi précise qu'il ne s'agit pas d'une exclusion, le coordinateur de la conférence du dialogue national a estimé, dans une déclaration donnée hier à la Radio nationale, que l'urgence était de "réunir les Algériens", notamment ceux qui n'ont pas participé à entretenir la crise. Ceux qui ont soutenu Abdelaziz Bouteflika peuvent donc attendre. Autre point d'achoppement entre le pouvoir et l'opposition, le départ des "figures du système Bouteflika" fait partie des exigences des Algériens qui sortent dans les rues chaque vendredi. L'idée a été clairement reprise dans le document qui a sanctionné les travaux de la conférence du dialogue national. Si certains parmi les participants n'exigent plus le départ d'Abdelkader Bensalah dans le souci de "sauvegarder la continuité de l'Etat" — ce qui est une concession accordée à l'armée — se contentant du remplacement du gouvernement par une équipe composée de compétences nationales, d'autres partis politiques et des personnalités n'hésitent pas à réclamer la mise à l'écart des deux "B" qui se trouvent toujours au sommet de l'Etat malgré le refus populaire. Pourtant, les deux responsables sont toujours à leur poste. Rien, pour l'instant ne prédit leur départ. Lors de leur dernière rencontre tenue la semaine dernière à la présidence de la République, Abdelkader Bensalah a demandé au Premier ministre et à "l'ensemble du gouvernement" de poursuivre leurs tâches "et de veiller au bon fonctionnement des services publics". Joignant l'acte à la parole, le chef de l'Etat, dont le "mandat constitutionnel" s'achève demain, a mandaté le Premier ministre pour le "représenter" au sommet de l'Union africaine. L'homme et son gouvernement "travaillent normalement" et se permettent même de s'attaquer à des sujets sensibles, à l'image du sort des entreprises dont les patrons sont en détention. Au-delà des questions politiques, c'est surtout le comportement du pouvoir qui inquiète l'ensemble de la classe politique. Pendant que les figures politiques du pouvoir appellent au "dialogue global et inclusif", les policiers et gendarmes "s'occupent" à arrêter les manifestants et à menacer hommes politiques et les journalistes. "J'ai l'impression qu'il y a des résistances au sein du système politique", a réagi hier Abdelaziz Rahabi qui, comme l'ensemble de la classe politique, demande des "mesures d'apaisement" avant d'entamer un dialogue entre les Algériens et le pouvoir. "On ne peut pas négocier dans un climat de terreur", a réagi un membre de l'alternative démocratique, comme pour décrire la situation actuelle, marquée par la peur de subir les foudres des services de sécurité après la moindre critique formulée contre le pouvoir en place. Pis encore, pour Rahabi, la situation dépasse le seul fait de "résister au changement". Il s'agit carrément d'un "refus d'aller vers un système démocratique" de la part de certaines "institutions de l'Etat". C'est d'ailleurs pour cela que l'ensemble des acteurs politiques attend des "signes de bonne volonté" du pouvoir. Cela ne vient pas, et si chacun campe sur ses positions, on se dirige vers l'échec de la nouvelle feuille de route du pouvoir. Ce sera la troisième déconvenue après la démission forcée d'Abdelaziz Bouteflika et l'annulation de l'élection présidentielle prévue pour le 4 juillet.