Le régime en place continue de vouloir imposer sa feuille de route au mépris des lois qu'il dit défendre. Un choix que refusent non seulement les Algériens qui manifestent dans les rues, mais également la classe politique. Quelques jours après l'annulation officielle de l'élection présidentielle du 4 juillet, le pouvoir n'a rien affiché de ses intentions. Attendu, le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, n'a toujours rien dit. Lui qui a prononcé une allocution à l'occasion du début de Ramadhan, est resté aphone à l'occasion de l'Aïd. Il s'est contenté d'une apparition protocolaire à la Grande mosquée d'Alger et au Palais de peuple où on le voit recevant, le visage pâle et la mine défaite, des personnalités nationales et étrangères venues lui présenter leurs vœux. C'est le signe d'un vrai malaise qui s'empare du pouvoir. La veille de cette fête religieuse, le chef de l'Etat s'est entretenu avec le Premier ministre Noureddine Bedoui. La discussion a tourné, officiellement, autour de la question du report de l'élection présidentielle. Le communiqué de la Présidence n'a pas donné de plus amples détails sur l'échange entre les deux responsables. Ce qui est évident c'est que le report de la présidentielle ouvre la voie à une période d'incertitudes. Le pays est entré de plain-pied dans une transition que le pouvoir refuse d'admettre, de nommer. Pour éviter d'accepter l'idée d'une transition politique, le pouvoir, avec toutes ses composantes, a trouvé des gymnastiques constitutionnelles pour se donner une nouvelle légitimité qui lui permettrait de garder la main sur les leviers de la transition politique et de peser sur le prochain scrutin. Afin d'éviter d'essuyer le même échec que celui qu'il vient de subir, le pouvoir se dirige vers une nouvelle manœuvre politique. Le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah, pourrait faire une nouvelle offre politique qui fera passer l'organisation de l'élection présidentielle par le biais d'un dialogue national. L'homme appliquera donc, à la lettre, les "recommandations" du chef de l'armée qui a évoqué, dans un récent discours prononcé à Tamanrasset, la nécessité d'aller vers un dialogue inclusif entre les acteurs politiques. Les prémices de cette "offre" se dessinent. La mort de Kamal-Eddine Fekhar a donné l'occasion au pouvoir de jeter du lest pour essayer de montrer sa bonne volonté en relâchant quelques détenus d'opinion. Après avoir libéré Ibrahim Aouf, les autorités judiciaires ont relâché le blogueur Abdellah Benaoum, qui croupissait en prison à Sidi Bel-Abbès pour avoir "porté atteinte" à Abdelaziz Bouteflika. Cette "politique d'apaisement" va, certainement, se poursuivre pour tenter de donner plus de "garanties" aux Algériens. Pourtant, ces maigres concessions ne changent rien à la donne. Le pouvoir continue de vouloir imposer sa feuille de route au mépris des lois qu'il dit défendre. Un choix que refusent non seulement les Algériens qui manifestent dans les rues, mais également la classe politique. Même les partis politiques de l'opposition, qui ont pourtant montré des prédispositions au dialogue, ont opposé une fin de non-recevoir à la poursuite de la feuille de route du pouvoir. À l'exception des partis qui ont toujours accompagné Abdelaziz Bouteflika, aucune autre formation politique n'est prête, pour l'instant, à accepter un dialogue que mènera Abdelkader Bensalah. À moins d'un revirement de dernière minute, ce nouvel entêtement conduira le pays vers une nouvelle impasse.