À défaut de célébrer Yennayer dans l'allégresse, Tizi Ouzou a renoué avec la matraque et les gaz lacrymogènes. Une fois de plus, la dictature et la répression aveugle l'ont emporté sur la raison et la liberté d'expression. Hier encore, la ville de Tizi Ouzou avait renoué avec la révolte et les gaz lacrymogènes puisque la grande marche populaire, pourtant essentiellement pacifique, à laquelle avait appelé la Coordination des archs a été violemment réprimée alors que rien ne présageait de tels dérapages. Si la célébration de Yennayer était placée sous le signe de la fiesta et de la solidarité, la fête a aussitôt tourné à la violence et la matraque. Pourtant, la veille, toute la Kabylie avait baigné dans une ambiance de fête et les marchands de volaille avaient été littéralement pris d'assaut alors que le traditionnel repas de famille fut pleinement partagé avec chaleur et convivialité dans les foyers les plus reculés de la Kabylie profonde. Hier matin, c'était encore jour de fête puisque le mouvement citoyen avait décidé de passer outre la législation officielle imposée par le pouvoir pour décréter jour férié le Nouvel An berbère. Le preuve est que tous les établissements scolaires, écoles primaires, collèges et lycées sont restés fermés, tout comme les institutions publiques telles que les banques, les postes, les mairies et les entreprises publiques et privées. Dans de nombreuses localités, même les commerces n'ont pas ouvert leurs portes alors que les enfants s'en sont donnés à cœur joie pour fêter ce 1er Yennayer 2953 comme l'on fête le 1er janvier, l'Aïd ou le Mawlid ennabaoui. Puis la fête fut gâchée, affreusement gâchée même, par un pouvoir visiblement décidé à imposer la politique du bâillonnement et du bâton. La marche pacifique initiée à Tizi Ouzou par la Coordination des archs s'était ébranlée pourtant d'une façon tout à fait pacifique du carrefour du 20-Avril où des milliers de manifestants avaient emprunté l'itinéraire menant au centre-ville et ce, même si toute la capitale du Djurdjura a été bouclée, tôt le matin, par des barrages de police dans le but de refouler de nouveaux manifestants venus des quatre coins de la Kabylie pour prendre part à cette manifestation de soutien aux détenus du mouvement citoyen. Ces derniers, qui en étaient, hier, à leur 40e jour de grève de la faim, avaient certainement besoin, en cette journée de fête, d'un élan de soutien et de solidarité, mais la manifestation populaire qui leur était destinée fut hideusement muselée et sauvagement réprimée. Et si, pour une fois, le rassemblement populaire n'a pas été avorté, où les brigades ont pour habitude d'assiéger littéralement le carrefour du 20-Avril dès les premières heures de la matinée, l'on se demande comment une telle marche impressionnante a été tolérée sur un parcours de plusieurs centaines de mètres pour être brusquement chargée à coups de matraque et de gaz lacrymogènes en plein centre-ville. C'est dire que Yennayer qui devait d'être fêté dans l'allégresse et la convivialité a aussitôt tourné à la violence et à la révolte, car le pouvoir est visiblement décidé à ne faire aucune concession au mouvement citoyen. À qui peut bien profiter une telle situation de pourrissement ? M. H.